1er Colloque Francophone sur la Biologie Moléculaire des Thermophiles

GDR 1006 Bactocean
5-7 Février 1996. Gif sur Yvette - France

Les thermophiles et hyperthermophiles : principaux groupes, organismes modèles et classification.

Les thermophiles (T max 55 - 80*C) et hyperthermophiles (T max 80 -110*C) sont tous des procaryotes qui appartiennent aux domaines Archaea (archaebactéries) ou Bacteria (eubactéries) (attention, les Archaea sont elles aussi des procaryotes !).

1) Bactéries thermophiles et hyperthermophiles

Les plus connues des bactéries thermophiles sont Bacillus stearothermophilus  (T max 60*C), une thermophile modérée gram positif proche de Bacillus subtilis, Thermus aquaticus (T max70*C) et Thermus thermophilus (T max 80*C). Les bactéries du genre Thermus appartiennent au même groupe bactérien que la bactérie radiorésistante Deinococcus radiodurans (ce sont des bactéries gram négatives très éloignées de E. coli). Ces thermophiles bactériens sont tous aérobes et hétérotrophes.
Les hyperthermophiles bactériens appartiennent aux genre Thermotoga et Aquifex. Les plus connus sont Thermotoga maritima (T max 90*C) et Aquifex pyrophilus (T max 95*C). Ces hyperthermophiles branchent en premier dans l'arbre des ARN 16S, ce sont des bactéries anaérobies (Thermotoga) ou microaérobies (Aquifex), elles sont hétérotrophes (Thermotoga) ou chemio-litoautotrophes (Aquifex).

2) Archaea thermophiles et hyperthermophiles

Chez les Archaea, on distingue actuellement, d'après les ARN 16S, deux règnes (ou royaumes) : les Euryotes (Euryarchaeota) et les Crénotes (Crenoarchaeota).
2-1) Les Euryotes
Chez les Euryotes, les thermophiles les plus étudiés sont le méthanogène, Methanobacterium thermoautotrophicum (T max 65*C) et le thermoacidophile aérobie Thermoplasma acidophilum (T max 60*C, pH opm 1.5).
L'ordre des Thermoplasmales comprend également le genre Picrophilus qui vient d'être décrit par Zillig (T max 60*C, pH opm 0.7, min 0 !).
Les Euryotes hyperthermophiles les plus étudiés sont les Thermococcales (T max 90-105*C), qui comprennent les genres Thermococcus et Pyrococcus. Ce sont toutes des anaérobies hétérotrophes, un très grand nombre ont besoin de soufre ou d'un composé soufré (cystéine) pour détoxifier le milieu de culture en hydrogène (production de H2S).
Les organismes modèles sont Pyrococcus furiosus (woesei) et Pyrococcus abyssi qui contient le plasmide pGT5.
Parmi les Euryotes hyperthermophiles, on connait également plusieurs méthanogènes, les plus connus sont Methanococcus jannashii (Tmax 85*C), dont le génome a été séquençé par TIGR, et Methanopyrus kandlerii (T max 110*C). Comme tous les méthanogènes, ils sont anaérobies.
Les Euryotes comprennent également de nombreux organismes mésophiles, ce sont les haloarchaea (halophiles extrêmes et obligatoires) qui branchent au sein des méthanogènes dans l'arbre des ARN 16S et les nombreux méthanogènes mésophiles des trois ordres, Méthanobacteriales, Méthanococcales et Méthanomicrobiales.
Les Methanococcales et les Methanobactériales comprennent donc à la fois des mésophiles, des thermophiles et des hyperthermophiles, ce qui est une situation unique et très intéressante pour des analyses comparatives, malheureusement les méthanogènes sont tous des anaérobies stricts, ce qui ne facilite pas leur étude.
2-2) Les Crénotes
Les Crénotes connus et cultivés sont tous hyperthermophiles (il existe des crénotes mésophiles ou peut-être même psychrophiles qui ont été détectés par PCR dans le bactérioplancton, mais qui n'ont pas encore pu être cultivés).
Les Crénotes les plus connus sont les Sulfolobales, des archaea acidophiles (pH opm 2-3) qui sont soit autotrophes soit hétérotrophes. La plupart sont aérobies mais certaines peuvent vivre aussi bien en aérobiose qu'en anaérobiose (genre Acidianus) et un petit nombre sont des anaérobies strictes (Stygioglobus). Elles ont besoin de soufre pour leur croissance et produisent de l'acide sulfurique en aérobiose ou de l'H2S en anaérobiose.
Les souches modèles sont toutes aérobies et hétérotrophes, il s'agit de Sulfolobus acidocaldarius, Sulfolobus solfataricus et Sulfolobus shibatae qui porte à l'état lysogène le virus SSV1.
Les autres crénotes hyperthermophiles sont tous anaérobies, ils peuvent être hétérotrophes ou chémiolitoautotrophes. Ce sont les archaea les moins étudiées au niveau moléculaire. On distingue trois ordres, les Pyrodictiales, les Thermoproteales et les Desulfurococcales, et de nombreux genres et espèces.
L'ordre des Pyrodictiales contient les genres Pyrodictium et Thermodiscus
L'ordre des Desulfurococcales contient les genres Desulfurococcus et Staphilothermus
L'ordre des Thermoproteales contient les genres Thermoproteus, Pyrobaculum et Thermofilum.
Parmi les espèces les plus intéressantes, il faut citer Pyrodictium occultum (Tmax 110*C) et Thermoproteus tenax (Tmax 90*C) dont on connait plusieurs virus (la série TTV). Un organisme prometteur est Pyrobaculum aerophilum (une Thermoproteale) qui est microaérophile.

3) Les perspectives dans le domaine de la génétique moléculaire

3-1) Séquençage systématique.
Les organismes dont le génome est en cours de séquençage sont :
Methanococcus jannaschii ("TIGR", il est terminé)
Methanobacterium thermoautotrophicum ("Gene therapeutics", il devrait être terminé courant 96)
Pyrococcus furiosus (F. Robb, B. Weiss, terminé fin 96 ?)
Pyrococcus shankai (Japonais, 25% terminé fin 95)
Sulfolobus solfataricus (F. Doolittle, Canada, 20% terminé fin 95, c'est le plus gros génome d'archae en cours de séquençage, 3.9 Mb, il devrait être terminé fin 99)
Pyrobaculum aerophilum (J. Miller, USA ?)
On parle de Thermotoga maritima et de Aquifex pyrophilus par "TIGR" dans les deux prochaines années.
3-2) Génétique
Les travaux actuels sur la mise au point d'outils génétiques portent sur Methanobacterium (Leisinger, Zurich), Pyrococcus (Garrett, Copenhage, DeVos, Wageningen, Forterre et Prieur, collaboration Européenne, projet BIOTECH) et Sulfolobus (Garrett, Bartolucci, Naples, Zillig, Munich, collaboration Européenne, projet BIOTECH, également en collaboration avec Doolittle, Halifax).

4) Rappel de quelques règles pour les non microbiologistes

Pour classer une Bactérie ou une Archaea, On distingue le rang de domaine, de règne, d'ordre, de famille, de genre et d'espèce.
Exemple : Acidianus infernus est une Archaea (domaine), du règne des Crenarchaeota, de l'ordre des Sulfolobales, de la famille des Sulfolobaceae, du genre Acidianus et de l'espèce infernus.
Dans la pratique, le niveau de la famille n'est que rarement utilisé pour parler des archaea ou des bactéries hyperthermophiles.
Pour citer un organisme, on ne mentionne que le nom de genre (avec une majuscule) et le nom d'espèce en minuscule, les deux écrits en italique, ex: Acidianus infernus . Si ce nom est répété dans le texte, on notera A. infernus.