Regulation Et Reparation Du DNA Chez Un Archaeon Hyperthermophile, Pyrococcus Furiosus

Jocelyne DiRUGGIERO
Center of Marine Biotechnology, University of Maryland, Baltimore, MD, USA.
Pyrococcus furiosus, avec une température optimum de croissance de 100*C, est l'une des Archaea hyperthermophiles les plus étudiées, tant au niveau physiologique que biochimique (1). La constitution de cartes physique et génétique du génome de ce microorganisme est en cours, et nous avons estimé sa taille à 2.05 mb. Deux projets de séquençage du génome de P. furiosus sont actuellement en cours aux USA. Le premier, qui est un séquençage au hasard de clones de cDNA et de clones génomiques de P. furiosus, est en phase terminal et a permis de séquencer 300 kb du génome (2). Le second projet, un séquençage multiplex de cosmids par délétion de transposons, devrait permettre d'obtenir la séquence complète du génome fin 96. Dans ces deux projets les séquences obtenues sont identifiées en utilisant le programme BLAST X, ce qui a permis d'associer 34% des séquences avec une fonction potentielle. Un grand nombre de gènes représentent des fonctions non décrites auparavant chez les Archaea. D'une façon générale, les gènes associés avec des fonctions du métabolisme central ont des homologues bactériens, alors que les gènes associés à des fonctions cellulaires essentielles, telles que la transcription, la réplication ou la réparation de l'ADN, sont homologues à des gènes eucaryotes. Parmi les gènes d'intérêt obtenus se trouve le gène de la reverse gyrase que nous avons entièrement séquencé. Ce gène présente 39% d'identité avec le gène de Sulfolobus acidocaldarius, et nous avons déterminé le début de sa transcription par extension d'amorce (3). Nous présentons ici deux exemples d'utilisation des résultats du séquençage du génome de P. furiosus. Le premier exemple est l'étude d'une régulation globale de l'expression des gènes chez cet organisme. Un dot blot a été constitué à partir de clones de gènes impliqués dans des fonctions du métabolisme central, du transport cellulaire et de la modification et réparation de l'ADN. Ce dot blot a été hybridé avec plusieurs sondes, marquées au 32P, de RNA provenant de cellules de P. furiosus cultivées dans différentes conditions de stress. Une mesure de la radioactivité incorporée pour chaque gène devrait permettre un inventaire des gènes induits ou réprimés pour les différentes conditions de croissance des cellules. Cependant, des résultats préliminaires ont montré que l'étape de marquage du RNA devra être améliorée pour pouvoir détecter les gènes exprimés à faible niveau. Un deuxième exemple est l'étude de la réparation du DNA chez P. furiosus. Le taux très rapide de dépurination et de dégradation de l'ADN à 100*C et l'étude de Peak et Robb (4), montrant une résistance aux cassures thermiques du DNA de P. furiosus, in vivo, 20 fois supérieure à celle de l'ADN de E. coli, nous permet de spéculer que chez les hyperthermophiles les systèmes de maintenance et réparation de l'ADN sont des fonctions biochimiques essentielles. Nous avons identifié chez P. furiosus deux gènes homologues à des gènes eucaryotes de réparation de l'ADN. L'un des gènes présente jusqu'à 48% d'identité, au niveau des acides aminés, avec le gène rad2 de la levure et les gènes homologues chez la souris et l'homme. Chez la levure, RAD2 est une endonucléase indispensable dans le processus de réparation de l'ADN par excision de nucléotides (5). Le second gène est très homologue aux gènes XPD et rad3 de l'homme et de la levure, respectivement. RAD3 est une hélicase et l'une des 6 sous-unités du factor de transcription TFIIH impliqué dans la réparation du DNA par excision de nucléotides (5). Ce mécanisme, très étudié chez les eucaryotes, élimine les lésions de l'ADN causées par les rayons UV ou d'autres agents qui modifient l'hélice de l'ADN. Les gènes chez la levure et l'homme sont fortement homologues, et les systèmes enzymatiques très similaires (5). Nous proposons d'obtenir la séquence complète des gènes homologues à rad2 etrad3 chez P. furiosus. Ces gènes seront ensuite surexprimés chez E. coli ou Baculovirus pour permettre une caractérisation biochimique et biophysique des protéines correspondantes. Des essais specifiques seront mis au point avec les protéines recombinantes pour faciliter la purification des protéines chez P. furiosus. Enfin des systèmes de réparations in vitro seront constitués avec des fractions chromatographiques ou des protéines purifiées de P. furiosus en association avec des composants eucaryotiques du système de réparation de l'ADN par excision de nucléotides. Ces deux exemples montrent bien que l'achèvement du séquençage du génome de P. furiosus ne sera pas une fin mais au contraire le début de très nombreux projets de recherche.



Références
  1. Adams, M.W.W. (1993).
    Enzymes and proteins from organisms that grow near and above 100*C.
    Ann. Rev. Microbiol., 47, 627-658.
  2. Borges, K.M., Brummet, S.R., Bogert, A.P., Davis, M.C., Hujer, K.M., Domke, S.T., Szasz, J., Ravel, J., DiRuggiero, J., Fuller, C., Chase, J.W. and Robb, F.T. (1996).
    A survey of the genome of the hyperthermophilic Archaeon, Pyrococcus furiosus.
    Genome Sci. Technol., in press.
  3. Borges, K.M., Bergerat, A., Bogert, A., DiRuggiero, J., Forterre, P. and Robb, F.T.
    The reverse gyrase gene of a hyperthermophilic archaeon, Pyrococcus furiosus.,
    in preparation.
  4. Peak, M.J., Robb, F.T. and Peak, J.G. (1995).
    Extreme resistance to thermally induced DNA backbone breaks in the hyperthermophilic
    Archaeon Pyrococcus furiosus.
    J. Bacteriol., 177, 6316-6318.
  5. Friedberg, E.C., Walker, G.C. and Siede, W. (1995).
    DNA Repair and Mutagenesis.
    Washington, D.C., ASN Press.