La Reverse Gyrase, Une Enzyme Specifique Des Hyperthermophiles.

Marc NADAL, Claire BOUTHIER de la TOUR, Michel DUGUET et Christine JAXEL
Institut de Génétique et Microbiologie, EAN, Université Paris-Sud, Bât. 400 - 91405 Orsay Cedex
Les bactéries hyperthermophiles possèdent une topoisomérase de type I particulière appelée reverse gyrase capable de surenrouler positivement les ADN circulaires covalemment fermés. Dans le but de mieux comprendre le rôle de cette enzyme, nous avons purifié et caractérisé la reverse gyrase de deux souches d'archaebactéries Sulfolobus acidocaldarius et Sulfolobus shibatae (1, 2). Cette dernière souche présente l'intérêt d'héberger un virus inductible : SSV1. Après induction aux UV, son ADN est amplifié et est surenroulé positivement avant son encapsidation dans la particule virale (3). Cet ADN est donc un substrat naturel de la reverse gyrase. La reverse gyrase de S. shibatae est une protéine monomérique de 124kDa qui est active à 75*C en présence d'ATP et de magnésium. Nous avons séquencé un fragment d'ADN de 6,2kb de S. shibatae intégrant la partie codante pour la reverse gyrase. Une séquence promotrice putative est retrouvée ainsi que des sites potentiels de fixation du ribosome. La comparaison de la séquence protéique de la reverse gyrase de S. shibatae avec celle de S. acidocaldarius (4) ainsi qu'avec les topoisomérases I de la famille de la protéine w (la topoisomérase I des Eubactéries) permet de définir deux domaines dans la reverse gyrase. La partie carboxy terminale est globalement similaire à la protéine w à l'exception des doigts de zinc présents à l'extrémité carboxy terminale de la protéine w. A l'inverse, un doigt de zinc putatif est retrouvé inséré dans la reverse gyrase, dans la partie correspondant à la région amino terminale de la protéine w. En utilisant la structure tri-dimensionnelle de la protéine w, on constate que les acides aminés strictement conservés constituent une poche autour de la tyrosine du site actif. Une forte homologie est observée pour la partie aminoterminale des deux reverse gyrases étudiées. Elle contient un doigt de zinc à l'extrémité aminoterminale suivi de motifs protéiques caractéristiques de sites de fixation et d'hydrolyse de l'ATP. In vitro, nous avons pu protéolyser la reverse gyrase et observer une activité enzymatique similaire à celle de la protéine w. Une régulation est donc possible à ce niveau. Le modèle enzymatique suivant peut être proposé : après sa fixation à l'ADN, la reverse gyrase catalyse la séparation locale des deux brins de l'ADN créant par compensation une torsion dans le reste de la molécule. Cette étape permet à l'ADN d'acquérir un plus haut niveau d'énergie (fixation d'ATP?). Les doigts de zinc bloquent cette structure en définissant deux domaines topologiques distincts dans l'ADN. L'enzyme clive alors un des brins à un site particulier de l'ADN. Ainsi, une cytosine en position -4 par rapport au site de clivage est nécessaire mais non suffisante. La fixation de l'ATP augmente la concentration de cet intermédiaire réactionnel. L'énergie contenue dans l'ADN qui est libérée à cette étape (hydrolyse d'ATP?) permet le passage du brin intact au travers de cette ouverture et la refermeture de la coupure transitoire. La reverse gyrase peut alors se dissocier ou recommencer un cycle catalytique. L'hydrolyse de l'ATP est nécessaire pour la refermeture ou le recyclage de l'enzyme. Une des originalités de ce modèle réside dans le fait que c'est l'ADN qui sert de "transporteur" d'énergie entre les deux domaines de la reverse gyrase.


Références
  1. Nadal et al. (1998)
    Biochemistry, 27, 9102-9108.
  2. Nadal et al. (1994)
    J. Biol. Chem. , 269, 5255-5263.
  3. Nadal et al. (1986)
    Nature , 321, 256-258.
  4. Confalonieri et al. (1993)
    Proc. Natl. Acad. Sci. USA , 90, 4753-4757.