Stratégie Pour La Mise Au Point D'un Vecteur De Clonage
Chez Pyrococcus: Utilisation Du Gène purA
Yvan ZIVANOVIC, Patrick FORTERRE
Institut de génétique et Microbiologie, BMGE, Université Paris-Sud, Bât. 409 91405 Orsay Cedex, France.
Bien qu'il n'y ait à l'heure actuelle aucun vecteur de clonage et d'expression disponible
pour les archae hyperthermophiles, différentes possibilités sont aujourd'hui envisageables pour
atteindre cet objectif. De petits plasmides cryptiques, des virus ainsi que des introns capables de
se propager ont été décrits assez récemment. Ces éléments réplicatifs autonomes peuvent
constituer la source des réplicons nécessaires pour la mise au point de vecteurs
hyperthermophiles. Nous avons choisi d'utiliser pGT5, un petit plasmide de 3,5 kb isolé dans
Pyrococcus abyssi, qui a été entièrement séquencé et caractérisé. L'analyse de sa séquence a
montré qu'il se réplique par un mécanisme dit de cercle roulant. L'identification des principales
séquences impliquées dans sa réplication nous a permis de choisir des sites potentiellement
favorables pour l'insertion de séquences d'ADN hétérologues. Ceci nous a permis de construire
le "squelette" d'une première génération de vecteur navette Pyrococcus/E. coli, en fusionnant le
plasmide pGT5 avec le vecteur Litmus 38 qui est un dérivé des plasmides de la série pUC. Ce
type de construction a été utilisé pour tester différentes méthodes de transformations, tant pour
estimer le taux de survie des cellules, que pour déterminer l'efficacité de pénétration de l'ADN
dans celles-ci. Nous avons ainsi déterminé que les méthodes d'électroporation et de formation
de sphéroplastes au moyen de PEG ont le meilleur potentiel de transformation.
Disposer d'un marqueur génétique est un autre élément primordial pour la construction
d'un vecteur de clonage. De ce point de vue, le choix de marqueurs phénotypiques et/ou de
sélection est extrêmement limité chez les hyperthermophiles. Nous avons eu l'opportunité de
cloner dans notre laboratoire le gène purA d'une Thermococcale, qui code pour
l'adenylosuccinate synthétase, une enzyme clef de la voie de biosynthèse des purines. La
génétique de cette voie métabolique est bien connue chez E. coli, et on dispose de cribles de
sélection pour différentes mutations du gène. Il s'avère que la situation est identique du point de
vue phénotypique chez Pyrococcus, notamment en ce qui concerne le profil de sensibilité à
divers analogues de purines : en particulier, les différentes souches de Pyrococcales testées sont
extrêmement sensibles à la 6-Methylpurine, comme c'est le cas pour E. coli. Nous avons pu
également isoler sur milieu solide un mutant spontané de la souche P. abyssi GE5 résistant à la
6-Methylpurine en présence d'hypoxanthine. Grâce à la séquence du gène purA dont nous
disposions, nous avons pu cloner les gènes purA sauvage et muté de la souche GE5. Le gène
purA muté est donc potentiellement un marqueur génétique sélectif, puisque nous disposons de
milieux de culture adéquats.
L'étape suivante dans la construction d'un vecteur pour les hyperthermophiles a consisté
à introduire le gène purA dans le vecteur hybride Litmus/pGT5 et à tester son efficacité comme
marqueur de résistance dans Pyrococcus. Toutefois, jusqu'à présent les résultats obtenus sont
négatifs, cela étant du principalement à des phénomènes de recombinaison des plasmides
introduits dans Pyrococcus, qui résultent dans tous les cas en la perte totale par délétion du gène
purA. Les résultats sont cependant encourageants, et permettent de penser qu'après une
optimisation de la construction du vecteur, notamment en ce qui concerne la disposition et
l'orientation des gènes, nous pourrons bientôt disposer d'un vecteur de clonage opérationnel
pour les archae hyperthermophiles.