Patrick Forterre



Interview filmée de Patrick Forterre : La Microbiologie au CNRS

Résumé de mes activités de recherche


 

Mon activité de recherche a débuté à l'Institut Jacques Monod (1972-1985). J'ai tout 
d'abord étudié la réplication de l'ADN chez E. coli , ce qui m'a introduit dans le monde des 
ADN topoisomérases et de la topologie de l'ADN. Cette période n'a pas été très rentable sur 
le plan publications et découvertes, mais elle m'a permis de me former intellectuellement 
dans un domaine qui était peu étudié en France à l'époque. 
   
Le tournant de ma carrière a été ma décision, en 1983, de choisir comme modèle d'étude les 
archaebactéries, dont l'importance sur le plan évolutif avait été révélée par les travaux de 
Carl Woese aux USA. Grâce aux encouragements de Wolfram Zillig (Munich) qui m'a 
fourni le matériel de départ, et à l'aide concrète de Michel Duguet et Anne-Marie de 
Recondo, j'ai pu développer une ligne de recherche autonome sur les ADN polymérases et 
les ADN topoisomérases des archaebactéries hyperthermophiles. Ma collaboration avec M. 
Duguet a abouti en particulier à la découverte du surenroulement positif dû à la réverse 
gyrase. 
   
Après un stage post-doctoral dans le laboratoire de A.M. de Recondo à Villejuif, j'ai pu 
monter ma propre équipe de recherche à Orsay à partir de 1988. Tout en poursuivant mes 
travaux sur les polymérases et topoisomérases, nous nous sommes tourné vers d'autres 
thématiques : évolution des protéines, effet de la température sur l'ADN, réparation et 
recombinaison, mise au point d'outils génétiques chez les hyperthermophiles, et analyse des 
familles de gènes dans les petits génomes.
   
Les travaux du laboratoire se sont beaucoup développés grâce à des financements sur 
contrats, en particulier européens. A ces occasions, nous nous sommes engagés dans de 
nombreuses collaborations nationales et internationales. En particulier, notre participation au 
   GDR Bactocéan (CNRS, Ifremer) nous a permis d'installer un laboratoire de culture des 
hyperthermophiles anaérobies. La collaboration avec l'équipe de Daniel Prieur a abouti à 
l'isolement des premiers plasmides découverts chez ces microorganismes, la détermination 
de leur état topologique original, et la mise en évidence de la réplication par cercle roulant 
chez un hyperthermophile. Toujours dans le cadre de ce GDR, nous avons aidé un 
laboratoire de l'Ifremer à initier une recherche sur les ADN polymérases hyperthermophiles.
   
Notre résultat le plus important a été obtenu l'année dernière. Il s'agit de la découverte, 
grâce aux archaebactéries, d'une nouvelle famille d'ADN topoisomérase II. En dehors de 
son intérêt intrinsèque pour tous ceux qui s'intéressent à la topologie de l'ADN, elle nous a 
permis en effet d'identifier la protéine responsable des cassures double-brins sur le 
chromosome qui vont initier la recombinaison méiotique chez les eucaryotes. 
   
En parallèle au développement de l'activité de mon équipe de recherche, j'ai essayé 
d'encourager le démarrage de nouvelles études sur les archaebactéries en France en 
fournissant conseils, souches, banques d'ADN, etc. L'année dernière, notre équipe a 
organisé le 1er colloque francophone sur la biologie moléculaire des thermophiles.
   
Enfin, j'ai poursuivi une réflexion plus "théorique" sur les premières étapes du 
développement de la vie et sur l'origine des trois empires du vivant. Toujours en 1996, j'ai 
organisé grâce à la Fondation des Treilles le premier colloque international sur le thème du 
dernier ancêtre commun aux trois empires. Ce colloque a regroupé une vingtaine de 
participants venant d'horizons scientifiques très divers, aussi bien des personnalités connues 
que des étudiants et post-doc intéressés par l'évolution. La ligne directrice qui sous-tend 
mon travail peut se résumer par la volonté d'introduire précisément cette dimension 
"évolution" dans la recherche en biologie moléculaire.





Activités de recherche, présentation détaillée



Avant propos

	Mes recherches se sont déroulées sous le signe www (Watson, Wang, Woese), de 
l'ADN aux archaebactéries, en passant par la topologie de l'ADN. J'ai eu la chance de 
commencer mon travail à l'époque où fut découverte la véritable réplicase de E. coli , l'ADN 
polymérase III, et les premières ADN topoisomérases (que l'on appelait alors swivelases ou 
nicking-closing enzymes), ce qui m'a déterminé à rester dans la biologie moléculaire 
fondamentale au moment où cette discipline semblait passer de mode. J'ai également eu la 
chance de croiser sur mon chemin les archaebactéries, ce qui m'a permis, a contrario, de ne 
pas m'enfermer dans cette même biologie moléculaire "pure et dure" et de pouvoir m'ouvrir 
à de nouveaux domaines, microbiologie, extrêmophiles, évolution moléculaire, étude des 
origines de la vie, exobiologie. 
	Un grand nombre de personnes ont joué un rôle déterminant dans le déroulement de 
ma carrière, je n'en citerai que quelques uns : Wolfram Zillig, qui m'a fourni mes première 
souches d'archaebactéries, Michel Duguet, qui m'a permis de démarrer mon travail sur leurs 
ADN topoisomérases, enfin Anne-Marie De Recondo, qui m'a accueilli dans son laboratoire 
pour terminer ma thèse et monter une petite équipe. Ce sont les travaux menés chez elle en 
1985/87, et ceux réalisés à la même époque en collaboration avec Michel Duguet, qui m'ont 
servi de tremplin pour mon installation à Orsay en 1988, à la demande d'André Berkaloff. 
Ces dernières années, je dois beaucoup à André Adoutte et André Brack qui m'ont introduit 
dans le carré des spécialistes de l'évolution et des origines de la vie. 

1) Etudes sur la réplication de l'ADN in vitro chez E. coli 

Mise en évidence de deux étapes dans l'élongation de la réplication chez E. coli.

	Mes premiers travaux ont porté, dans le laboratoire d'Adam Képes, sur l'élongation de 
la réplication de l'ADN chez E. coli , sous la responsabilité de Masamichi Kohiyama (1-5). 
J'ai pu mettre en évidence deux étapes dans l'élongation de la réplication en utilisant le 
système des bactéries perméabilisées par le toluène, mis au point par Richardson aux USA. 
La première étape, qui est résistante à la novobiocine et nécessite l'un quelconque des quatre 
rXTPs (en plus des dXTP), aboutit à une réplication résiduelle in vitro correspondant à 0.5 - 
1% du génome de E. coli . La seconde, qui permet de répliquer jusqu'à 5% du génome, est 
strictement dépendante de l'ATP et sensible à la novobiocine [Forterre et Kohiyama, 1978, 
(5)]. 
	La novobiocine était connue depuis 1976 comme étant un inhibiteur spécifique de la 
gyrase de E. coli . Plus récemment, il a été montré que cet antibiotique inhibe également 
l'autre ADN topoisomérase II (topo II) de E. coli , appelée topoisomérase IV. Le système 
des bactéries toluénisées permettait donc, en bloquant l'activité de ces enzymes, d'observer 
la réplication résiduelle en absence des activités topoisomérases requises pour éliminer les 
contraintes topologiques qui s'accumulent au cours de la progression de la fourche de 
réplication (supertours positifs ou entrelacement des chaînes filles). Par la suite j'ai montré, 
en collaboration avec Bernard Badet, que l'on n'observe pas de réplication résiduelle en 
présence d'un autre inhibiteur des topo II, la péfloxacine [Badet et al., 1983 (6)]. 
Contrairement à la novobiocine, la pefloxacine agit en bloquant la gyrase (ou la Topo IV) sur 
l'ADN par un complexe covalent. Ce résultat montre que l'une de ces topo II est 
probablement localisée en amont et à une courte distance de la fourche de réplication. Il 
s'agit sans doute de la gyrase, qui relâche les supertours positifs plus efficacement que la 
Topo IV.
	Je n'ai pas poursuivi ces recherches en raison des limitations inhérentes au système 
des bactéries toluénisées, leur membrane restant imperméable aux protéines. J'ai travaillé 
quelque temps avec Patrick Hugues sur le système de réplication in vitro d'un plasmide 
contenant l'origine de réplication du chromosome, oriC , qui avait été mis au point dans le 
laboratoire d'Arthur Kornberg. Ce système ne m'a toutefois pas permis d'étudier la 
réplication résiduelle mise en évidence chez les bactéries toluénisées, la gyrase étant 
nécessaire à l'étape d'initiation de la réplication à partir de oriC . A l'heure actuelle, il n'existe 
toujours pas de véritable système in vitro pour la réplication du chromosome bactérien, et les 
modèles de fourches de réplication sont toujours extrapolés à partir d'études faites sur les 
réplicons phagiques ou sur des plasmides contenant oriC . 
	Pour comprendre le rôle des ADN topoisomérases dans l'étape d'élongation de la 
réplication, il pourrait être intéressant de reprendre l'étude de la réplication résiduelle 
observée en présence de novobiocine dans les bactéries toluénisées, avec les outils 
performants qui sont maintenant à la disposition des biologistes moléculaires et qui 
n'existaient pas au début des années 80.

Modèle d'action à deux cassures pour l'ADN gyrase

	Les études réalisées sur les bactéries toluénisées m'ont introduit dans le monde 
fascinant des ADN topoisomérases, et mon intérêt pour ces enzymes ne m'a pas quitté 
depuis lors. En 1980, je proposais le premier modèle faisant intervenir un coupure 
transitoire double-chaine dans le mécanisme d'action de l'ADN gyrase [Forterre, 1980 (5)]. 
Ce modèle n'envisageait toutefois pas le transfert de brin, proposé la même année par 
Nicolas Cozzarelli et Leroy Liu, après la mise en évidence des activités de décaténation et 
d'inversion de signe associées à la gyrase de E. coli . L'introduction de cassures double-
brins est devenue la signature des ADN topoisomérases de type II, par opposition aux ADN 
topoisomérases de type I qui introduisent des cassures transitoires simple-brin dans la 
double-hélice.

Stimulation de la réplication d'un plasmide contenant oriC  (minichromosome) par la méthylation de type dam.

	Devant l'impasse de mes recherches sur l'élongation de la réplication, j'ai initié, 
toujours dans le laboratoire de M. Kohiyama, un travail sur le rôle de la méthylation des 
séquences GATC au niveau de l'origine de réplication de E. coli . La séquence oriC  présente 
en effet un excès de motifs GATC, et ses motifs ont la caractéristique d'être 
systématiquement méthylés au niveau de l'adénine chez E. coli  par une méthylase 
spécifique, la dam  méthylase (dna adenine methylation). Avec une étudiante de DEA, Fatima 
Squali, et en collaboration avec P. Hugues, nous avons montré que la méthylation de ces 
séquences était nécessaire pour obtenir une réplication optimale in vitro  d'un plasmide, à 
partir d'oriC  [Hugues et al., 1984 (8) ; Forterre et al., 1984 (9)]. 

Répartition restreinte de la méthylation de type dam  chez les procaryotes

	La fréquence anormalement élevée des séquences GATC au niveau de oriC  avait 
frappé les imaginations, et conduit plusieurs auteurs à penser que leur méthylation par la 
   dam  méthylase représentait l'étape clef du contrôle temporel du cycle cellulaire chez les 
bactéries. 
	Je me suis rapidement opposé à ce point de vue, suite à une étude systématique de la 
distribution de la méthylation de type dam  chez les procaryotes, réalisée avec un de mes 
étudiants de maîtrise à PVII, Tristan Barbeyron [Barbeyron et al., 1984 (10)]. Il est ressorti 
en effet de ce travail que la méthylation de type dam  était limitée à quelques groupes de 
bactéries (entérobactéries et cyanobactéries) et à un sous groupe d'archaebactéries 
halophiles. Elle était donc sans doute apparue récemment chez les entérobactéries (à moins 
qu'elle n'est disparu de presque tous les groupes bactériens). 
	Etant donné la similitude élevée entre les origines de réplication de toutes les bactéries, 
il est très probable qu'elles partagent le même mécanisme de base de contrôle du cycle 
cellulaire. Celui-ci ne peut donc pas être la méthylation de type dam. A mon avis, ce qui 
reste encore à comprendre aujourd'hui, c'est pourquoi ce système a envahi les origines de 
réplication des Entérobactéries, et comment il s'est immiscé dans leur mécanisme de contrôle 
(dont la nature exacte est encore inconnue). 

2) Etudes de la réplication chez les archaebactéries

	C'est la lecture de la revue de Carl Woese sur les archaebactéries dans Scientific 
American en 1982 qui m'a conduit à travailler sur ces microorganismes. 
	La rédaction d'une revue sur les ADN topoisomérases et la topologie de l'ADN 
[Forterre et al., 1983 (7)] m'avait conduit à réfléchir sur la différence fondamentale entre ces 
enzymes chez les bactéries (présence d'une gyrase) et les eucaryotes (absence de gyrase). La 
présence d'une activité gyrase est-elle liée au mode de vie procaryote, bactérie et 
archaebactérie confondues (le chromosome étant "activé" en permanence par le 
surenroulement négatif) ou au contraire s'agit-il d'un caractère spécifique des bactéries ?
	Je me posais également des questions par rapport à la réplication : la seule réplicase 
eucaryote connue à l'époque, l'ADN polymérase a, était inhibée par une drogue, 
l'aphidicoline, qui n'avait aucun effet sur la réplicase de E. coli , l'ADN polymérase III. 
Qu'elle était la signification de cette observation ? aussi bien sur le plan de l'évolution des 
ADN polymérases que du point de vue de l'histoire du mécanisme de réplication ?
	Mes premières expériences ayant porté sur la réplication, je traiterai en premier lieu des 
résultats obtenus dans ce domaine, j'aborderai ensuite mes travaux sur la topologie de 
l'ADN et les ADN topoisomérases.

Inhibition de la réplication de l'ADN par l'aphidicoline chez les archaebactéries halophiles.

	Je commençais par étudier l'effet de l'aphidicoline sur les archaebactéries halophiles. 
Je montrais que cet inhibiteur, spécifique de l'ADN polymérase a des eucaryotes, inhibe 
également la croissance et la réplication de l'ADN chez les archaebactéries halophiles, et 
induit leur filamentation [Forterre et al., 1984 (11)]. Ce résultat confirmait l'existence de 
caractères de type "eucaryote" chez les archaebactéries, précédemment mise en évidence par 
W. Zillig au niveau de la transcription (structure des ARN polymérases).

Isolement des ADN polymérases des archaebactéries thermophiles extrêmes.

	La mise en évidence d'une ADN polymérase chez les archaebactéries halophiles s'est 
avérée très difficile, sans doute en raison de la concentration très élevée en sel (3-4 M KCl) 
du cytoplasme de ces microorganismes. Ceci m'a conduit à travailler sur les thermophiles. 
Je détectai rapidement une activité ADN polymérase chez l'archaebactérie thermoacidophile 
   Sulfolobus acidocaldarius , toutefois, cette ADN polymérase s'avérait résistante à 
l'aphidicoline [Forterre et al., 1986 (14)]. L'étude des ADN polymérases des 
archaebactéries thermophiles allait être menée à bien avec Christiane Elie, une étudiante en 
DEA, puis en thèse, tout d'abord à Jussieu, puis dans le laboratoire de Anne-Marie de 
Recondo où je m'installais au début 1985 (24, 25, 27, 29-31), enfin à Orsay à partir de 
1988 (32, 36, 60). 
	Nous avons purifié à homogénéité et caractérisé les ADN polymérases de deux 
archaebactéries thermoacidophiles S. acidocaldarius  et Thermoplasma acidophilum [Elie et 
al., 1989 (25), Hamal et al., 1991 (32)], toutes deux résistantes à l'aphidicoline. 
	Nous avons étudié plus en détail les caractéristiques de l'ADN polymérase de S. 
acidocaldarius . En collaboration avec Jean-Michel Rossignol et son étudiante Samia Salhi, 
nous avons montré que cette polymérase était capable de stabiliser une amorce d'ADN sur sa 
matrice à des températures bien supérieures au Tm [Salhi et al., 1989 (27)] et qu'elle pouvait 
être utilisée pour l'amplification de l'ADN par la méthode PCR [Salhi et al., 1990 (31)].

Variation de la sensibilité à l'aphidicoline chez les ADN polymérases de la famille B.

	La sensibilité de la réplication in vivo des archaebactéries halophiles à l'aphidicoline 
d'une part, et d'autre part la résistance des ADN polymérases de S. acidocaldarius  et T. 
acidophilum à cet antibiotique suggéraient à priori l'existence de deux types d'ADN 
polymérases chez les archaebactéries : une réplicase sensible à cette drogue (apparentée aux 
réplicases eucaryotes) et une seconde ADN polymérase résistante (peut-être apparentée à la 
polymérase I de E. coli  ?). 
	La comparaison des ADN polymérases, au niveau de leurs séquences primaires, avait 
permis au début des années 90 de définir trois familles principales d'ADN polymérases, A 
(prototype E. coli  pol I), B (replicases eucaryotes et E. coli  pol II) et C (prototype E. coli  pol 
III). 
	Le clonage dans le laboratoire de Mose Rossi, à Naples, du gène codant une ADN 
polymérase sensible à l'aphidicoline chez Sulfolobus solfataricus  a montré que cette ADN 
polymérases appartient bien à la famille B, qui regroupe toutes les ADN polymérases 
sensibles à l'aphidicoline. 
	De façon inatendue, l'analyse de séquences peptidiques obtenues à partir de l'ADN 
polymérase de S. acidocaldarius  a montré que cette ADN polymérase, bien que résistante à 
l'aphidicoline, était étroitement apparentée à celle de S. solfataricus  [Forterre et al., 1994 
(60)] et appartenait donc elle aussi à la famille B.
	Nous avons pu résoudre ce paradoxe en purifiant partiellement les ADN polymérases 
de plusieurs archaebactéries représentatives de l'ensemble de cet empire (méthanogènes, 
thermoacidophiles, hyperthermophiles) et en montrant que la sensibilité à l'aphidicoline varie 
de façon graduelle au sein des ADN polymérases d'archaebactéries de la famille B [Forterre 
et al., 1994 (60)]. 
	Le rôle biologique des ADN polymérases d'archaebactérie isolées jusqu'à ce jour n'a 
pas encore été identifié. En particulier, on ne sait pas s'il s'agit des réplicases de ces 
microorganismes, ou si ces dernières restent à découvrir. En effet, comme je l'ai fait 
remarqué, la famille B, à laquelle appartiennent toutes ces ADN polymérases comprend les 
réplicases eucaryotes, mais aussi la polymérase II de E. coli , qui est une enzyme de 
réparation [Forterre, 1992 (45)]. 

Nouvelles ADN polymérases hyperthermophiles pour la PCR.

	L'utilisation d'une ADN polymérase thermophile, la taq polymérase, pour optimiser la 
méthode PCR, a rendu l'étude des ADN polymérases thermophiles en général très 
compétitive. A partir de 1990, plusieurs grosses équipes Américaines appartenant à des 
compagnies de biotechnologie ont commencé à étudier systématiquement les propriétés des 
ADN polymérases des archaebactéries hyperthermophiles, qui sont plus fidèles que la taq 
polymérases, et ceci avec des moyens très importants en hommes et en financement.
	J'ai donc décidé de passer progressivement la main sur le sujet à l'Ifremer ; cet 
organisme étant plus intéressé par les possibilités d'application des ADN polymérases 
thermophiles. Nous avons initié une collaboration sur ce thème avec George Barbier et Joël 
Querellou, du laboratoire de Biotechnologie de Brest. Un étudiant de thèse sur bourse 
Ifremer, Ahmed Bouyoub, a ainsi cloné dans notre laboratoire le gène codant pour l'ADN 
polymérase de l'une des nouvelles souches d'archaebactéries hyperthermophiles appartenant 
à l'ordre des Thermococcales isolées par l'équipe de George Barbier à partir des sources 
hydrothermales profondes. Ce gène contient une intéine (intron protéique). D'autre part, 
Jöel Quérellou à pu isoler d'autres gènes d'ADN polymérases hyperthermophiles 
(et particulièrement thermostables) à partir d'isolats de la collection Ifremer (93, 112). Ce 
travail est donc maintenant poursuivi à Brest par Jöel Quérellou avec une étudiante en thèse, 
Marianne Cambon. Deux brevets ont déjà été déposés. 
	Dans notre laboratoire, la recherche de gènes codant pour des ADN polymérases a eu 
des retombées inattendues : le clonage fortuit par Christiane Elie d'un gène codant pour une 
protéine de S. acidocaldarius  homologue des protéines eucaryotes de type SMC et de 
RAD50 de levure [Elie et al., 1997 (92)], et celui par Ahmed Bouyoub de deux gènes de 
   Pyrococcus  codant l'un pour un homologue du gène bactérien dinF, impliqué dans la 
réponse SOS [Bouyoub et al., 1995 (73)], et l'autre pour un homologue des gènes purA 
(adenylosuccinate synthethase) [Bouyoub et al., 1996 (79)]. 

Identification d'un plasmide d'archaebactérie hyperthermophile se répliquant par le mécanisme du cercle roulant.

	Nous poursuivons actuellement nos travaux sur la réplication chez les archaebactéries 
en étudiant le mode de réplication d'un plasmide isolé d'une archaebactérie 
hyperthermophile, le plasmide pGT5 de Pyrococcus abyssi  (voir ci-dessous) (43). 
	Nous avons identifié dans la séquence de ce plasmide les éléments signatures d'une 
réplication par cercle roulant : une ORF codant pour une protéine présentant des similarités 
avec les protéines Rep des plasmides de la famille de pC194, et des origines de réplication 
putatives simple et double chaine (sso et dso). Nous avons pu mettre en évidence chez P. 
abyssi  une forme simple-chaine de pGT5 qui pourrait être un intermédiaire de réplication de 
ce plasmide [Erauso et al., 1996 (76)]. 

Un nouveau type de protéine Rep plasmidique

	Récemment, une étudiante en thèse, Stéphanie Marsin, a réussi à exprimer chez E. coli  
et à purifier à homogénéité la protéine Rep de pGT5 et à montrer que cette protéine coupe et 
religue spécifiquement l'origine double-chaine de ce plasmide à très haute température (80 - 
105°C) (117). Elle possède également une activité nucléotidyl transférase site-spécifique et 
substrat spécifique (ATP) qui n'avait jamais été mise en évidence auparavant chez ce type de 
protéine. Nous disposons donc maintenant des éléments permettant d'envisager la mise au 
point d'un système de réplication in vitro chez les archaebactéries hyperthermophiles.

3) Etudes des ADN topoisomérases et de la topologie de l'ADN chez les archaebactéries

Découverte de la reverse gyrase

	Dès 1984, en parallèle à l'étude de la réplication chez les archaebactéries, j'entrepris la 
recherche des ADN topoisomérases chez S. acidocaldarius . Pour ce travail, je collaborais 
avec un étudiant de Michel Duguet, Gilles Mirambeau. Nous recherchions en priorité une 
ADN topoisomérase de type II en nous focalisant sur les activité ATP dépendantes 
[Mirambeau et al., 1984 (12)]. Il s'agissait de déterminer si ces organismes possédaient ou 
non une activité gyrase. 
	Ce travail allait nous conduire en fait à isoler la réverse gyrase, une enzyme qui 
introduit des supertours positifs dans un molécule d'ADN circulaire fermée en présence 
d'ATP. La reverse gyrase avait été découverte indépendamment quelque mois plus tôt par 
Kikuchi et Asai au Japon dans une autre souche de Sulfolobus . Ces auteurs, qui ont décrit 
cette enzyme les premiers (Kikuchi et Asai, Nature, 1984), l'ont présentée comme une ADN 
topoisomérase de type II multimérique. Nous avons montré qu'il s'agit en fait d'une ADN 
topoisomérase de type I monomérique [Forterre et al., 1985, 1986 (13, 14)]. La réverse 
gyrase apparaissait comme une caractéristique originale des thermophiles extrêmes : 
l'augmentation du nombre de liens topologiques (Lk) entre les deux brins de la molécule 
d'ADN, consécutive au surenroulement positif, pouvant a priori aider à contrebalancer 
l'effet de l' augmentation de la température sur la double hélice. 

Mise en évidence du surenroulement positif in vivo.

	En 1985, Wolfram Zillig venait de découvrir un virus lysogène inductible par les UV 
chez une nouvelle espèce de Sulfolobus , Sulfolobus shibatae . W. Zillig, m'a généreusement 
fourni l'ADN purifié de ce virus, appelé SSV1, et son analyse a été faite avec Marc Nadal et 
Gilles Mirambeau, dans le laboratoire de M. Duguet. Ce travail a permis de mettre en 
évidence pour la première fois un ADN naturel surenroulé positivement [Nadal et al., 1986 
(15), Forterre et al., 1986 (14)]. Cette découverte, consécutive à celle de la reverse gyrase, a 
clairement établi l'importance de cette enzyme dans la physiologie des hyperthermophiles.

La reverse gyrase, une enzyme signature des hyperthermophiles.

	Depuis cette époque, le travail biochimique et génétique sur la reverse gyrase a été 
poursuivi principalement dans le laboratoire de M. Duguet. J'ai participé à cette étude en 
échangeant régulièrement des idées et du matériel avec les membres du laboratoire, et en 
initiant une collaboration croisée avec Karl Stetter pour étudier la distribution de la reverse 
gyrase chez les procaryotes. 
	Nous avons pu montrer que la reverse gyrase était présente chez tous les 
hyperthermophiles (organismes poussant à des températures supérieures à 80°C) qu'ils 
soient bactériens ou archaebactériens [Bouthier de la Tour et al., 1990, 1991 (33, 39)]. En 
plus de la reverse gyrase, les eubactéries hyperthermophiles possèdent toutefois également 
une ADN topoisomérase I classique apparentée à la protéine w de E. coli  (qui ne relâche que 
les ADN surenroulés négativement) [Bouthier de la Tour et al., 1993 (57)].

Un nouveau modèle enzymatique : l'association hélicase-topoisomérase.

	La reverse gyrase de S. acidocaldarius  a été purifiée à homogénéité par Marc Nadal 
[Nadal et al., 1989 (23)] et une activité de déroulement de l'ADN a été mise en évidence 
[Jaxel et al., 1988 (28)]. Finalement, le gène codant pour la reverse gyrase a été cloné et 
séquencé par Fabrice Confalonieri. L'analyse de la séquence primaire de la reverse gyrase a 
mis en évidence une organisation originale, l'association d'un module ADN topoisomérase 
classique de type I (sous famille w) avec un module présentant des similarités de séquence 
avec des ARN et ADN hélicases [Confalonieri et al., 1993 (55)]. La présence d'un module 
"hélicase" avec un site ATP explique bien pourquoi la reverse gyrase, bien qu'étant une 
ADN topoisomérase de type I, nécessite l'ATP pour son fonctionnement. 
	Plus récemment, Agnès Bergerat dans mon laboratoire a purifié à homogénéité la 
réverse gyrase de l'archaebactérie hyperthermophile Pyrococcus furiosus  et nous avons 
analysé son gène, en collaboration avec des chercheurs du laboratoire de Franck Robb, aux 
USA [Borges et al., 1997 (87)]. Cette enzyme a la même structure que la reverse gyrase de 
   S. solfataricus , ce qui montre que la fusion entre les domaines hélicases et topoisomérases a 
eu lieu avant la divergence des deux royaumes qui composent l'empire des archaebactéries, 
les "euryotes" et les "crénotes". Claire Bouthier de la Tour a depuis montré que cette 
structure composite était également présente chez T. maritima , ce qui implique soit un 
transfert de gène entre archaebactéries et bactéries, soit une très grande ancienneté de la 
réverse gyrase.
	La structure composite de la reverse gyrase suggère des modèles pour expliquer 
l'introduction de supertour positifs. L'un d'entre eux (modèle statique) correspond à une 
proposition faite dans mon manuscrit de thèse, en 1985, l'autre, basé sur le modèle de Liu et 
Wang, fait intervenir un déplacement de l'enzyme le long de l'ADN [Confalonieri et al., 
1993 (55)]. Des résultats récents de Marc Nadal et Christine Jaxel, qui ont mis en évidence 
des sites d'action spécifiques de la reverse gyrase sur l'ADN du virus SSV1, seraient plutôt 
en faveur du modèle statique. 

Mise en évidence de plasmides relâchés et surenroulés positivement chez les archaebactéries hyperthermophiles.

	A l'occasion de mon installation à Orsay, je décidais d'aborder l'étude de l'état 
topologique de l'ADN intracellulaire chez les archaebactéries hyperthermophiles. Je 
commençais ce travail avec un étudiant en Thèse, Franck Charbonnier, le but étant de 
comprendre le rôle de la reverse gyrase in vivo. 
	Nous avons tout d'abord montré que l'ADN du virus SSV1 était relâché dans les 
cellules de S. shibatae  avant induction UV et que son surenroulement positif était consécutif 
à cette induction [Forterre et al., 1992 (42)]. Un travail de Gilles Henckes dans notre 
laboratoire a également montré que le chromosome de S. shibatae  ne présentait pas de 
tension libre de surenroulement négatif [Forterre et al., 1992 (42)]. 
	Le modèle du virus SSV1 paraissant ambigüe (sa topologie étant différente selon 
l'étape du cycle viral), et le chromosome de Sulfolobus  étant très difficile à manipuler, nous 
avons entamé la recherche de plasmides chez les archaebactéries hyperthermophiles afin de 
les utiliser comme "sondes" pour déterminer la topologie intracellulaire. Ce travail a été 
rendu possible grâce à une collaboration avec le laboratoire de Daniel Prieur à Roscoff qui 
disposait d'une collection de nouvelles souches d'archaebactéries hyperrthermophiles de 
l'ordre des Thermococcales, analogue à celle de l'Ifremer. 
	Nous avons pu ainsi découvrir le premier plasmide chez une hyperthermophile, le 
plasmide pGT5 de Pyrococcus abyssi  [Erauso et al., 1992 (43)]. Franck Charbonnier a 
montré que ce plasmide était relâché à la température optimale de croissance de cette souche, 
95°C [Charbonnier et al., 1992 (45)]. Il présentait donc la même topologie que SSV1 avant 
induction UV. Au contraire, les plasmides des archaebactéries mésophiles (halophiles et 
méthanogènes) sont surenroulés négativement [(Charbonnier et Forterre, 1994, Mojica et 
al., 1994 (61, 65)]. Plus récemment, nous avons pu montrer que tous les plasmides de 
Thermococcales connus (isolés dans notre laboratoire) et tous les plasmides de Sulfolobales 
connus (isolés dans le laboratoire de Wolfram Zillig) étaient soit relâchés, soit surenroulés 
positivement [Lopez-Garcia et Forterre, 1997 (91)]. 

Modification de la topologie au cours de chocs thermiques

	Nous avons également observé des changements drastiques de la topologie de ces 
plasmides en fonction de la température, ils deviennent surenroulés négativement au cours 
d'un choc froid [(Marguet et Forterre, 1996 ; Lopez-Garcia et Forterre, 1997 (80, 91)] et 
surenroulés encore plus positivement au cours d'un choc chaud (91). Globalement, on 
observe donc une corrélation entre augmentation de la température et celle du nombre 
d'enlacements entre les deux brins de la double hélice, que ce soit d'un organisme à l'autre 
(en considérant la température optimale de croissance) ou pour le même organisme, en 
fonction de la température de croissance.

Modèle homéostatique pour expliquer l'effet de la température sur le nombre d'entrelacements.

	L'ensemble de nos résultats nous a conduits à proposer un modèle très général selon 
lequel l'action des topoisomérases (gyrase, reverse gyrase et protéines de relaxation) viserait 
à maintenir la structure de l'ADN (pas de l'hélice, dénaturation locale) dans le même état, 
quelle que soit la température, cet état étant optimal pour l'activité biologique [Forterre et al., 
1996 (77)]. 
	Il est à noter que dans le cadre de ce modèle simple, la gyrase pourrait être considérée 
comme un marqueur de la mésophilie, au même titre que la reverse gyrase est habituellement 
considérée comme un marqueur de la thermophilie. 
	Toutefois, en contradiction avec ce modèle, nous venons de montrer que le plasmide 
pRQ7 de l'eubactérie hyperthermophile T. maritima  était surenroulé négativement, bien que 
les Thermotogales possèdent une reverse gyrase ! Je reviendrai sur ce point après avoir 
discuté de nos résultats concernant les ADN topoisomérases de type II. 

La reverse gyrase inhibe la transcription in vitro.

	Un ADN relâché ou surenroulé positivement peut-il être biologiquement actif ? Pour 
répondre à cette question, et dans le cadre d'un projet Européen Biotech, une étudiante 
Allemande, Carina Hetcke, est venu étudier dans notre laboratoire l'effet de la reverse gyrase 
de P. abyssi  sur un système de transcription in vitro homologue, qu'elle venait de mettre au 
point dans le laboratoire de Michael Thomm à Kiel. Ce système est constitué de l'ARN 
polymérase et des deux facteurs de transcription (TBP et TFIIB) de P. furiosus . 
	Elle a observé que le surenroulement positif d'un plasmide portant le gène codant pour 
la glutamate dehydrogénase (GDH) de P. furiosus  inhibe fortement la transcription de ce 
gène. En fait, celle-ci est optimale avec un ADN surenroulé négativement (110). Le 
promoteur de la GDH étant extrêmement fort chez P. furiosus , ce résultat suggère 
l'existence chez cette archaebactérie d'au moins un facteur de transcription supplémentaire. 
Ce facteur pourrait posséder une activité hélicase, ce qui permettrait de compenser l'absence 
de surenroulement négatif in vivo. Il pourrait par exemple être apparenté à l'une des deux 
hélicases du facteur eucaryote TFIIH. 

L'ADN topologiquement fermé est stable au moins jusqu'à 110°C.

	Le rôle exact de la reverse gyrase reste donc un mystère, en l'absence de données de 
nature génétique. Pour essayer d'avancer sur cette question, j'ai abordé ces dernières années 
avec Evelyne Marguet (ITA, CNRS) l'étude directe de la stabilité de l'ADN à très haute 
température [Forterre et al., 1992 ; Marguet et Forterre, 1994 (42, 64)]. 
	Nous avons observé qu'un ADN topologiquement fermé ne se dénaturait pas sous 
l'effet de la chaleur, au moins jusqu'à 107°C (64). Par contre, cet ADN se dégrade, suite 
aux dépurinations qui entraînent la rupture des liaisons phosphodiesters adjacentes aux sites 
apuriniques. Nous avons observé qu'un ADN surenroulé positivement ne se dégradait pas 
moins vite qu'un ADN surenroulé négativement (64). Ces études montrent que la reverse 
gyrase n'est pas nécessaire pour empêcher la dénaturation de l'ADN intracellulaire chez les 
hyperthermophiles, ni pour prévenir sa thermodégradation.

Les sels protègent l'ADN contre la dégradation thermique

	Au cours de ces études, nous avons mis en évidence un effet protecteur des sels 
(MgCl2, KCl) qui ralentissent considérablement la thermodégradation de l'ADN (42, 64). 
Récemment, nous avons montré que les sels protègent directement contre la dépurination, 
que ce soit au niveau de l'ADN simple ou double-chaine. Ces études réalisées sur des 
plasmides (ADN topologiquement fermé), et à très haute températures (95 - 100°C°) 
confirment et complètent des observations faites au début des années 70 sur des ADN 
linéaires par Lindhal et ses collaborateurs à plus basse température (70°C). Ces auteurs 
pensaient, par exemple, que les sels inhibaient la thermodégradation en stabilisant la double 
hélice. Nous avons montré que ce n'est pas le cas, puisque les sels protégent également 
l'ADN simple-chaine.
	Carina Hetcke a également mis en évidence un effet protecteur du KCl sur la 
thermodégradation de l'ARN (110), rappelons au contraire que le MgCl2, qui protège 
l'ADN, accélère la thermodégradation de l'ARN. L'effet des sels pourrait être important sur 
le plan physiologique pour la stabilité des acides nucléiques chez les hyperthermophiles, 
compte tenu de la concentration intracellulaire très élevée en potassium chez nombre d'entre 
eux.

Les archaebactéries halophiles sont sensibles aux inhibiteurs des ADN topoisomérases de type II classiques.

	Je dois rappeler maintenant que mes travaux sur les archaebactéries avaient débuté par 
une interrogation sur leurs ADN topoisomérases II : avaient-elles une activité gyrase ? 
Toutefois, nous avons vu que la première ADN topoisomérase ATP dépendante (a priori de 
type II) que nous avons pu mettre en évidence chez S. acidocaldarius  était en fait une 
enzyme de type I, la reverse gyrase. 
	En parallèle aux travaux sur la réverse gyrase, j'ai donc repris l'étude des ADN 
topoisomérases de type II en étudiant la sensibilité des archaebactéries in vivo aux 
inhibiteurs connus de ces enzymes chez les bactéries et les eucaryotes. 
	J'ai montré tout d'abord que les archaebactéries halophiles étaient sensibles aussi bien 
à des drogues antitumorales dont les cibles sont les ADN topoisomérases II eucaryotes 
(épipodophylotoxines) qu'à des antibiotiques connus pour inhiber la gyrase, telle la 
novobiocine [Forterre et al., 1986 (14)]. En collaboration avec Odile Possot, une étudiante 
de Lionel Sibold à l'Institut Pasteur, nous avons montré que les inhibiteurs de la gyrase 
inhibent également les archaebactéries méthanogènes [Sioud et al., 1988 (19)]. 
	Après mon arrivée dans le laboratoire d'A.M. de Recondo, j'ai entrepris une étude 
systématique de l'action des drogues antitumorales et des inhibiteurs de la gyrase chez les 
halophiles. Ces travaux ont été réalisés par un étudiant en thèse, Mouldy Sioud, en 
collaboration avec Juseppe Baldacci [Sioud et al., 1987, 1988, (17-22) Sioud et Forterre, 
1989 (26)] et poursuivie ensuite quelques temps à Orsay (Labedan et Forterre, 1991 (41), 
Gadelle et Forterre, 1990, 1994 (36, 67). Pour ces études, nous avons utilisé comme 
"sonde" topologique le plasmide pGRB de la souche Halobacterium sp.GRB dont nous 
avons mis en évidence un intermédiaire de réplication simple-chaîne du type cercle roulant 
(21). 
	Nous avons montré que les drogues antitumorales induisaient des cassures dans 
l'ADN (18, 22, 26) tandis que la novobiocine provoquait le surenroulement positif de 
l'ADN in vivo (20). Ces résultats étaient identiques à ceux obtenus chez les bactéries et les 
eucaryotes. Toutefois, nous avons pu faire quelques observations originales : accumulation 
de l'intermédiaire de réplication simple chaîne en présence de novobiocine (21), et blocage 
du surenroulement induit par la novobiocine en présence de drogues qui s'intercalent dans 
l'ADN (67).
	Nous avions conclu de ces études, à la fin des années 80, que les archaebactéries 
halophiles devaient posséder une ADN topoisomérase II dont la position évolutive était 
"intermédiaire" entre celles des procaryotes et celle des eucaryotes. Ceci s'est avéré inexact. 
Les gènes codant pour une ADN topoisomérase II halophile ont été en effet clonés peu de 
temps après en Australie par Mike Dyall-Smith, et il est apparu que cette enzyme était très 
proche des ADN topoisomérases II bactériennes. J'ai réalisé, en collaboration avec M. Dyall 
Smith, une étude phylogénétique qui a montré que l'ADN topoisomérase II des halophiles 
branchait au milieu des gyrases bacterienne [Forterre et al., 1994 (60)]. 
	Or, l'observation dans notre laboratoire d'effets croisés des différents inhibiteurs 
d'ADN topoisomérases II sur les archaebactéries halophiles, indique que la même enzyme 
doit être la cible des antibiotiques anti-gyrase et des drogues antitumorales chez ces 
microorganismes. Par exemple, Bernard Labedan, dans notre laboratoire, a isolé des 
mutants d'archaebactéries halophiles résistants à des drogues anticancéreuses qui présentent 
une résistance croisée à la novobiocine [Labedan et Forterre, 1991 (41)]. Je pense donc 
maintenant que les ADN topoisomérases II de la famille bactérienne (et halophile) pourraient 
toutes être sensibles aux drogues antitumorales. Curieusement, ce point n'a pas été abordé 
jusqu'ici par les laboratoires qui travaillent sur les drogues antitumorales, je reviendrai sur ce 
problème dans le chapitre sur les perspectives. 
	Nous n'avons jamais réussi à mettre en évidence une activité gyrase, ni en fait une 
quelconque activité ADN topoisomérase, chez les archaebactéries halophiles. Ceci est sans 
doute à mettre en relation avec la très forte concentration en sel de leur cytoplasme (3, 4 M 
KCl). Cependant, la présence d'une gyrase chez les archaebactéries halophiles serait en 
accord avec le fort surenroulement négatif de leurs plasmides [Charbonnier et Forterre, 1994 
; Mojica et al., 1994 (61, 65)]. 
	Qu'en est-il chez les hyperthermophiles, dont l'ADN est relâché ou surenroulé 
positivement ? 

Découverte d'une nouvelle famille d'ADN topoisomérase de type II.

	A mon arrivée à Orsay, j'ai repris la recherche d'une ADN topoisomérase de type II 
chez S. shibatae . C'est Agnès Bergerat, en stage post doc au laboratoire, qui a réussi à 
détecter cette enzyme, en utilisant un test de décaténation. L'ADN topoisomérase II de S. 
shibatae  a été purifiée et caractérisée, il s'est avéré qu'elle ne possédait pas d'activité gyrase. 
Cette enzyme est un hétérotétramère composée de deux sous-unités, A et B, de 45 et 60 kDa 
[Bergerat et al., 1994 (66)]. Agnès Bergerat a également purifié une ADN topoisomérase II 
de structure identique chez Pyrococcus furiosus . La sous-unité B fixe l'ATP. 
	Des séquences peptidiques ont été obtenues pour les deux sous-unités de cette enzyme 
isolée à partir de S. shibatae , et leurs deux gènes ont été clonés par PCR (120). Le résultat a 
été tout à fait inattendu. En effet, alors que toutes les ADN topoisomérases II connues 
jusque là présentaient de fortes similarités de séquences, indiquant leur appartenance à une 
même famille protéique, nous n'avons détecté aucune similarité de séquence entre la sous-
unité A de l'enzyme de S. shibatae  et les autres ADN topoisomérases II, et seulement trois 
motifs en N-terminal de la sous-unité B qui sont également présents au niveau du site ATP 
de la gyrase. L'ADN topoisomérase II de S. shibatae  est donc le prototype d'une nouvelle 
famille. 
	Nous avons appelé cette enzyme ADN topoisomérase VI (Topo VI), pour la distinguer 
des autres ADN topoisomérases connues, Topo I, III, V (toutes de type I) et II, IV (toutes 
de type II). Nous avons identifié les gènes de la Topo VI dans le génome de l'archaebactérie 
méthanogène hyperthermophile Methanococcus jannashii , qui vient d'être complètement 
séquencé. Par contre, cet organisme ne possède pas de gènes codant pour une ADN 
topoisomérase II "classique". 

L'étude de la Topo VI nous a déjà conduits à faire deux observations importantes. Découverte d'un nouveau module ATP

	Tout d'abord, le site potentiel de fixation et d'hydrolyse de l'ATP de la sous-unité B 
de la TopoVI est présent non seulement chez la gyrase et les autres ADN topoisomérase II, 
mais également chez les protéines de la famille MutL, qui sont impliquées dans la réparation 
des misappariements de bases dans l'ADN, chez les protéines chaperons eucaryotes de la 
famille Hsp90 et chez leur homologue bacterien Htpg. 
	Ce site ATP est différent du site classique de fixation des nucléotides de type Walker, 
et n'avait pas été identifié jusque là chez les protéines MutL et Hsp90. Nos travaux 
permettent donc de définir un nouveau type de site ATP et de le localiser sur des protéines 
importantes en cancérogénèse (protéines MutL-like des eucaryotes) et dans l'économie 
cellulaire en générale (Hsp90).

Identification de la protéine qui initie la recombinaison méiotique en cassant les chromosomes.

	L'analyse de la sous-unité A de la Topo VI s'est révélée encore plus passionante. Elle 
s'est avérée être un homologue du gène SPO11 de Saccharomyces cerevisiae , l'un des onze 
gènes de cet organisme connus pour intervenir dans la méiose (93). 
	Cette constatation nous a conduits à penser que la protéine Spo11 devait être 
l'endonucléase responsable des cassures double-chaîne (DSB) des chromosomes, cassures 
qui vont initier la recombinaison méiotique. Une protéine se retrouve fixée en 5' des 
fragments chromosomiques qui s'accumulent dans des mutants bloqués à un stade précoce 
de la méiose, juste après la formation des DSBs. Nous avons proposé qu'il s'agit là encore 
de Spo11, dont le mode d'action s'apparenterait à celui d'une ADN topoisomérase de type 
II. 
	Nous avons initié une collaboration avec Alain Nicolas à l'Institut Curie pour tester ces 
hypothèses. Bernard de Massy a réalisé une mutagénèse ciblée sur l'unique tyrosine 
conservée entre la sous-unité A de la Topo II de S. shibatae  et la protéine Spo11 de levure 
(la fixation des ADN topoisomérases à l'ADN se faisant toujours par une liaison 
phosphotyrosine). La mutation produite, YF, a effectivement inhibé la méiose chez S. 
cerevisiae  et supprimé la formation des DSBs (93). Ce résultat montre que la méiose chez les 
eucaryotes s'est mise en place à partir d'une protéine qui a été utilisée chez les 
archaebactéries pour produire une Topo II. 
	Il se pourrait même que cette Topo II existe également chez les eucaryotes, formée par 
l'association de Spo11 et d'une protéine de la famille Hsp90. En effet, les gènes codant pour 
ces deux protéines sont localisés côte à côte sur l'un des chromosomes de Caenorabditis 
elegans , ce qui est particulièrement troublant.
	Pour en revenir aux archaebactéries, il apparaît donc que les halophiles possèdent au 
moins une Topo II classique, sans doute une gyrase, tandis que les hyperthermophiles 
posséderaient cette nouvelle Topo II sans activité gyrase (Nous avons maintenant également 
purifié à homogénéité cette enzyme à partir de Pyrococcus furiosus ).

L'ADN des eubactéries hyperthermophiles est surenroulé négativement !

	L'absence d'activité gyrase chez les archaebactéries hyperthermophiles, qui possèdent 
par ailleurs une reverse gyrase, était bien en accord avec le surenroulement positif de leur 
ADN et avec le modèle que nous avions proposé pour expliquer le rôle de ce surenroulement 
à haute température [Forterre et al., 1996 (77)]. 
	Toutefois, des travaux récents réalisés par un étudiant en thèse du laboratoire, Olivier 
Guipaud, nous amènent à remettre en cause toutes nos conclusions à ce sujet. 
	En effet, celui-ci a mis en évidence les gènes d'une gyrase classique chez l'eubactérie 
hyperthermophile Thermotoga maritima , dont la température optimale de croissance est de 
80°C (supérieure à celui de nombreux Sulfolobus ) [Guipaud et al., 1996 (81)], et chez 
laquelle nous avions précédemment mis en évidence une reverse gyrase [Bouthier de la Tour 
et al., 1991 (39)]. De plus, nous avons trouvé qu'une espèce voisine, Thermotoga  sp. RQ7 
possédait un plasmide surenroulé négativement ! Ceci pose donc deux questions : 1°) à quoi 
sert le surenroulement positif chez les archaebactéries hyperthermophiles, si l'ADN des 
bactéries hyperthermophiles peut être surenroulé négativement ? 2°) à quoi sert la reverse 
gyrase chez les bactéries hyperthermophiles ? 
	Il est possible que la reverse gyrase ne joue un rôle qu'au niveau topologique local 
(par exemple en éliminant l'excès de supertours négatifs au niveau des fourches de 
transcription, excès qui serait potentiellement déstabilisant à très haute température) et que 
l'état topologique global de l'ADN intracellulaire soit plus à mettre en rapport avec la 
présence ou l'absence d'activité gyrase et non pas avec la température !
	D'autre part, s'il se confirme que T. maritima  possède bien une gyrase (Olivier 
Guipaud purifie actuellement la topo II de cet organisme) on pourra émettre l'hypothèse 
selon laquelle l'état topologique intracellulaire de l'ADN ne dépend pas de la présence ou 
non d'une reverse gyrase mais essentiellement de celle de la gyrase.

4) Etudes sur l'évolution des protéines et des microorganismes.

	Mon intérêt pour les archaébactéries provenait d'un attrait plus général pour l'histoire 
du vivant. J'ai donc très vite essayé d'appréhender comment les résultats obtenus sur la 
réplication ou la topologie de l'ADN chez ces microorganismes pouvaient permettre de tester 
les hypothèses en cours sur les premières étapes de l'évolution cellulaire, et éventuellement 
de proposer de nouvelles idées. En fait, il est impossible de travailler sur les archaébactéries 
sans se préoccuper de leur place dans le monde vivant, démarche nécessaire pour donner un 
sens au travail expérimental dans ce domaine de recherche. 
	Deux approches ont été menées en parallèle : à partir de 1990, le clonage et le 
séquençage d'un certain nombre de gènes d'archaebactéries dans notre laboratoire a conduit 
Bernard Labedan et moi-même à nous intéresser à l'évolution des protéines. Bernard 
Labedan a entamé une collaboration avec Monica Riley, pour réaliser une analyse exhaustive 
des génomes procaryotes. Pour ma part je me suis interessé au problème de la validité des 
méthodes de la phylogénie moléculaire. 
	Par ailleurs, j'ai commencé à questionner le nouveau paradigme sur lequel se fonde 
actuellement la plupart des interprétations concernant la nature des archaebactéries, 
l'existence d'un groupe monophylétique eucaryote/archaebactérie et la nature 
hyperthermophile du dernier ancêtre commun à tous les êtres vivants. J'ai été ainsi amené à 
m'intéresser au problème de la nature de cet ancêtre, à l'origine des cellules eucaryotes, ou 
encore à l'origine des virus.

Evolution des protéines et phylogénie moléculaire : mise en évidence de deux familles paralogues chez les glutamate dehydrogénases.

	Le clonage fortuit par une étudiante en thèse du laboratoire, Nadia Benachenhou du 
premier gène d'une glutamate dehydrogenase (GDH) d'archaebactérie, au cours d'un stage 
avec J. Baldacci à l'IRSC de Villejuif, avait révélé des relations de parenté inattendues entre 
protéines des trois domaines du vivant. En effet, cette GDH archaebactérienne ressemblait à 
celle des mammifères, tandis que la GDH de E. coli  ressemblait à celle de la levure ! 
	Pour expliquer ce résultat, j'avais fait l'hypothèse de deux familles de protéines 
cousines qui auraient divergé avant la séparation des trois domaines [Forterre, 1990 (34)]. 
Je "redécouvrais" ainsi le phénomène de "paralogie", bien connu des phylogénéticiens 
moléculaires. Pour tester cette hypothèse, Bernard Labedan a réalisé une étude 
phylogénétique exhautive des GDHs [Benachenhou et al., 1992, 1993 (49, 52)]. Cette 
analyse a bien mis en évidence deux familles protéiques très distinctes (I et II), dont l'une 
(famille II) comprend des représentants des trois domaines et l'autre des représentants 
eucaryotes et bactériens. Ce résultat était en accord avec l'hypothèse de la paralogie. 
	Nadia Benachenhou a par la suite cloné et séquencé la GDH de l'archaebactérie 
hyperthermophile S. shibatae  [Benachenhou et al., 1993 (62 )] et Bernard Labedan et moi-
même avons participé à l'analyse de celle de la bactérie hyperthermophile T. maritima  [Kort 
et al., 1997 (85)]. Ces deux GDH font partie de la famille II. Il est possible que les GDH de 
la famille II soient plus faciles à adapter à la thermophilie et qu'elles aient été sélectionnées 
de préférence à celles de la famille I chez les hyperthermophiles. 
	Cette hypothèse devrait être testable dans un proche avenir ; en effet, la GDH est 
devenue la molécule phare pour l'étude de la structure des protéines hyperthermophiles, en 
particulier dans le cadre des projets Européens Biotech consacrés aux extrêmophiles, 
plusieurs d'entre-elles ont déjà été cristallisées. 

Le premier âge du monde à ADN

	La notion de protéine paralogue m'a conduit à proposer de nouvelles interprétations 
pour expliquer les phylogénies des ADN polymérases et des ADN topoisomérases [Forterre, 
1992 (48) ; Forterre et al., 1993 (50), 1994 (60) ; Forterre et Elie, 1993 (56)]. L'hypothèse 
selon laquelle plusieurs familles d'ADN polymérases et d'ADN topoisomérases existaient 
déjà avant la séparation des trois domaines m'a conduit à proposer l'hypothèse d'un premier 
âge du monde à ADN, correspondant à la période évolutive comprise entre l'apparition de la 
première cellule à ADN et celle du dernier ancêtre commun aux trois domaines (48, 50). 

La racine de l'arbre universel en question.

	La notion de protéine paralogue m'a également conduit à remettre en cause 
l'enracinement de l'arbre universel du vivant dans la branche des bactéries, proposé par 
deux équipes en 1989, et basé précisément sur l'étude de deux couples de protéines 
paralogues, les sous-unités a et b des ATPases FO/F1 et vacuolaires (V) et les facteurs 
d'élongation EFTu(1a) et EFG(2). J'ai noté que ces deux phylogénies étaient caractérisées 
précisément par une grande branche bactérienne, ce qui suggère le caractère artéfactuel de la 
racine bactérienne, dû au phénomène d'attraction des longues branches [(Forterre, 1997 
(89)]. J'ai suggéré qu'en fait, les ATPases FO/F1 et V étaient elles-mêmes paralogues, ce 
qui semble confirmé par la découverte d'ATPases de type V chez les bactéries [Forterre et 
al., 1993, (50, 53)]. Dans ce cas, la position de la racine dans la branche des bactéries basée 
sur les sous-unités des ces ATPases n'aurait aucun sens. 

L'application de la cladistique (selon Hennig) à la phylogénie moléculaire.

	Les analyses de phylogénie moléculaire ont été réalisées au laboratoire en utilisant les 
méthodes classiques de distance et parcimonie. Toutefois, j'ai été conduit à repenser cette 
approche, à la lecture du livre de S.J. Gould, "Beautiful life", qui rappelait les principes de 
base d'une analyse phylogénétique rigoureuse, à savoir la méthode cladistique introduit par 
Willy Hennig dans les années 60. En appliquant cette méthode à l'analyse des alignements 
de séquences protéiques, je me suis aperçu que les programmes utilisés en phylogénie 
moléculaire n'était absolument pas fiables, ce qui explique les nombreuses contradictions 
observées d'une phylogénie à l'autre. 
	J'ai surtout réalisé que les séquences protéiques n'avaient en général conservé aucune 
information susceptible de nous renseigner sur les relations de parenté entre les trois 
domaines du vivant. En particulier, j'ai montré que l'alignement des séquences des facteurs 
d'élongation EFTu(1a) et EFG(2) ne contenait qu'une seule position interprétable sur 124 ! 
(50). Plus récemment, j'ai obtenu un résultat analogue avec les valine- et isoleucine-tRNA 
synthétases, qui ont été également utilisées pour enraciner l'arbre du vivant (89). En 
conclusion, je pense que nous ne savons toujours pas où se trouve cette racine, ce qui a des 
conséquences importantes par rapport aux hypothèses que l'on peut faire concernant les 
relations évolutives entre procaryotes et eucaryotes. 

Les procaryotes ne sont pas si pro que cela !

	Traditionnellement les procaryotes (avant le noyau) sont considérés comme des formes 
de vie primitives par rapport aux eucaryotes. Le nom même de procaryote n'est donc pas 
neutre [Forterre, 1992 (44)] (tout comme celui d’archaebactéries !), il implique d'emblée une 
hypothèse sur leur position évolutive qui serait primitive. Toutefois, un courant de pensée 
minoritaire a depuis longtemps envisagé la possibilité d'inverser cette façon de voir, et de 
considérer les procaryotes comme des organismes au contraire extrêmement évolués, 
paufinés et optimisés par réduction. Cette optimisation leur aurait permis de s'adapter à tous 
les environnements possibles et imaginables, de survivre en conditions extrêmes, et de se 
multiplier à grande vitesse dès que les conditions sont favorables. 
	J'ai toujours été attiré par cette hypothèse, et en particulier, j'ai imaginé très tôt que la 
gyrase, uniquement connue à l'époque chez les bactéries, pouvait être l'une des innovations 
clefs ayant permis à ces dernières de simplifier leur système d'expression génétique 
(élimination des nucléosomes) en "activant" en permanence leur ADN et en couplant la 
régulation de l'expression génétique et les changements de l'environnement par 
l'intermédiare d'un contrôle enzymatique de la topologie de l'ADN [Forterre et al., 1983 
(7)]. C'est de fait ce type de réflexions qui m'a conduit à rechercher l'activité gyrase chez les 
archaebactéries. Plus récemment, elles m'ont conduit à émettre l'hypothèse selon laquelle la 
gyrase et la reverse gyrase sont toute deux apparues pour permettre l'adaptation des 
procaryotes respectivement au froid et au chaud [Forterre et al., 1996 (77)]. 
	Cependant, la vision traditionnelle du procaryote primitif a connu un regain de 
popularité ces dernières années sous l'impulsion de Carl Woese et de Carl Stetter. En se 
fondant sur la position des hyperthermophiles (tous procaryotes) dans l'arbre universel du 
vivant basé sur les ARN 16/18S, et sur la localisation présumée de la racine de l'arbre 
universel dans la branche des bactéries, ces auteurs ont soutenu l'idée selon laquelle la vie 
serait apparue à haute température, et aurait évolué au chaud, jusqu'à l'émergence du dernier 
ancêtre commun à tous les êtres vivants, un progénote hyperthermophile. Dans ce schéma, 
les archaebactéries hyperthermophiles apparaissent en particulier comme les précurseurs 
directs des eucaryotes. 
	Cet ensemble d'hypothèses est devenu un véritable paradigme pour la plupart des 
chercheurs travaillant sur les archaebactéries et/ou sur les hyperthermophiles. Ce paradigme 
me semble stélilisant, en ce sens que toutes les données sur les archaebactéries sont 
maintenant systématiquement interprétées dans son cadre, au lieu d'être utilisées pour 
alimenter la confrontation d'hypothèses contradictoires. 

De la difficulté d'établir un lien direct entre une origine de la vie à haute température et l'apparition des hyperthermophiles.

	Ces dernières années, j'ai donc passé une partie de mon temps à attaquer ce paradigme 
en soulignant ses points faibles et en proposant des hypothèses alternatives. J'ai fait 
remarqué qu'il existe une contradiction entre, d'une part, l'hypothèse selon laquelle la vie est 
apparue et a évolué à très haute température jusqu'à l'apparition du dernier ancêtre commun 
aux trois empires, LUCA (Last Universal Common Ancestor), et d'autre part l'hypothèse du 
monde à ARN [Forterre, 1992 (48)]. En effet, l'ARN est une molécule extrêmement fragile 
à haute température. J'ai également souligné à quel point la structure composite de la reverse 
gyrase (association d'un module hélicase et d'un module ADN topoisomérase) montrait que 
les hyperthermophiles étaient tout sauf primitives [Forterre et al., 1995 (70, 71)]. 

L'origine des procaryotes par thermoréduction ?

	Afin d'expliquer pourquoi les hyperthermophiles se retrouvaient groupées à la base de 
l'arbre universel, j'ai proposé une nouvelle hypothèse pour l'origine des procaryotes : Ceux-
ci seraient apparus par "thermoréduction", autrement dit, c'est l'adaptation aux températures 
très élevées qui auraient conduit une lignée évolutive à acquérir les caractéristiques propres 
aux procaryotes : petite taille, renouvellement rapide des macromolécules, élimination du 
noyau et en conséquence couplage de la transcription et de la traduction [Forterre, 1992, 
1995 (48, 69)]. 

L'ARN messager, talon d'achille des hyperthermophiles

	A la base de mon hypothèse d'une thermoréduction à l'origine des procaryotes se 
trouve l'idée selon laquelle le talon d'Achille des hyperthermophiles est l'hydrolyse 
chimique spontanée des macromolécules, en particulier des ARN messagers, aux 
températures voisines du point d'ébullition de l'eau. Les expériences de transcription in vitro 
menées par Carina Hetcke ont mis ce point en relief (110). Aucune transcription n'a pu être 
obtenue à plus de 95°C étant donné la rapidité avec laquelle l'ARN est dégradé à de telles 
températures, même en présence de KCl (et a fortiori en présence de concentrations 
physiologiques de magnesium connues pour stimuler la dégradation de l'ARN). 
	La thermodégradation des ARN messagers pourrait expliquer en particulier pourquoi 
seuls les procaryotes semblent avoir été capables de coloniser les biotopes thermophiles et 
hyperthermophiles, la stabilité des ARN requise par le mode de vie eucaryote pourrait être 
incompatible avec la vie à très haute température (48, 69). 
	Cette dernière idée me semble toujours valable, par contre le scénario de la 
thermoréduction pour l'origine des procaryotes, basée sur l'hypothèse d'un ancêtre commun 
procaryote hyperthermophile, pourrait être remis en cause si cette dernière hypothèse 
s'avérait inexacte. 
	En effet, j'ai moi même émis tout récemment des doutes sur la phylogénie des 
hyperthermophiles basée sur les ARN ribosomaux, étant donné les contraintes imposées aux 
séquences d'ARN chez ces microorganismes en raison de leur adaptation à haute 
température [Forterre, 1997 (86)]. 
	Il n'est pas exclu que l'adaptation à l'hyperthermophilie se soit produite 
indépendamment chez les bactéries et les archaebactéries, si l'on considère par exemple les 
structures analogues, mais non homologues, de leurs lipides [Forterre, 1996 (82)]. Les 
structures récemment résolues des ADN polymérases de deux bactéries thermophiles 
montrent que, dans ces deux cas, l'adaptation s'est bien faite du froid vers le chaud, et non 
dans le sens inverse (82).

LUCA était un organisme complexe qui a pu donner naissance à la fois aux procaryotes et aux eucaryotes

	Ces différentes réflexions sur l'évolution m'ont finalement conduit à m'intéresser au 
problème de la nature du dernier ancêtre commun, LUCA. J'ai tout d'abord montré que 
celui-ci appartenait sans doute déjà au monde à ADN [Forterre et al., 1989 (30)] 
(l'hypothèse d'un progénote à ARN ayant été proposée par Woese et plus récemment par 
Koonin). Comme indiqué précédemment, j'ai ensuite insisté sur la complexité de cet ancêtre, 
en suggérant qu'il était apparu après une première étape d'évolution du monde à ADN (le 
premier âge) [Forterre, 1992 (48), Forterre et al., 1993 (50)]. 

Les Virus, témoins de l'ère pré-LUCA ?

	L'idée de différentes étapes dans l'évolution des mondes à ARN et ADN suggère 
l'hypothèse de biologies moléculaires ancestrales qui auraient disparus dans la lignée 
évolutive ayant aboutit à toutes les cellules actuelles. Certaines d'entre elles pourraient 
toutefois se perpétuer à l'heure actuelle dans les systèmes plasmidiques ou chez les virus à 
ARN et à ADN. D'ou l'idée selon laquelle les virus dérivent, par évolution régressive, de 
lignées cellulaires antérieures à l'apparition de l'ancêtre commun aux trois domaines 
(empires) actuels [Forterre, 1991 (48)]. 
   
	La question de la nature du dernier ancêtre est en train de devenir une thématique de 
recherche à part entière. Pour aider à cette émergence, j'ai organisé l'été dernier la première 
rencontre internationale sur ce thème. Tous les participants sont tombés d'accord sur l'idée 
d'un dernier ancêtre commun complexe [Forterre, 1997 (88)]. Par contre, les débats ont été 
vifs sur la question de sa nature, plutôt procaryotique, eucaryotique, ou d'un troisième type. 
	Les premières analyses basées sur l'obtention de la séquence complète de génomes des 
trois domaines ne permettent pas de trancher la question. Selon les idées préconçues des uns 
et des autres, l'ancêtre commun est reconstitué en considérant l'intersection des trois 
domaines ou leur réunion. Les caractères communs aux eucaryotes et aux archaebactéries 
sont systématiquement interprétés comme des caractères dérivés partagés, alors que rien 
n'exclut qu'il ne s'agisse pas de caractères primitifs.
	J'essaye toujours d'intervenir dans ce débat en rapelant les principes élémentaires de 
l'analyse cladistique, souvent oubliés ou méconnus par les biologistes moléculaires qui 
s'intéressent à l'évolution, et par les phylogénéticiens moléculaires habitués à utiliser des 
programmes informatiques (distance ou parcimonie) qui font l'impasse sur ces principes. 

5) Projets et perspectives

Je compte développer mon activité à l'IGM d'Orsay dans les années à venir, d'une part en 
poursuivant les thématiques traditionnelles du laboratoire centrées autour du métabolisme de 
l'ADN (le monde de l'ADN à haute température) et d'autre part en encourageant le 
développement de nouveaux axes de recherches sur la génétique des archaebactéries, et 
l'analyse fonctionnelle de leur génomes. Je pense également poursuivre mes réflexions plus 
théoriques sur l'évolution. 

Topologie de l'ADN et ADN topoisomérases

Etude de la Topo VI

	Nous allons poursuivre nos travaux sur la topologie de l'ADN et les ADN 
topoisomérases chez les hyperthermophiles. 
	Notre priorité principale sera bien sûr la caractérisation détaillée de la Topo VI de S. 
shibatae  et la recherche chez la levure d'une éventuelle activité topoisomérase homologue qui 
serait due à l'association de Spo11 et d'une autre sous-unité. 
	Nous avons dès à présent réussi à exprimer chez E. coli  la sous-unité B de la Topo VI 
de S. shibatae  et la protéine Spo11 de levure. L'étude structurale (jusqu'à la résolution de la 
structure tri-dimensionnelle) et mécanistique de la nouvelle famille d'ADN topo II que nous 
venons de mettre en évidence (famille TopoIIB), et en particulier l'analyse du nouveau 
module ATP, devrait nous occuper pour de nombreuses années. 	
	Une petite équipe sur ce thème est en train de se créer autour d'Agnès Bergerat et la 
partie levure sera développée en collaboration avec Alain Nicolas à l'Institut Curie.

Etude de la gyrase de l'ADN topoisomérase II de T. maritima.

	Par rapport à la topo VI, la poursuite de nos études sur l'ADN topo II de T. maritima  
va nous permettre de travailler sur la structure d'une topo II "classique" hyperthermophile. 
Olivier Guipaud a déjà réussi à surproduire la sous-unité A de cette enzyme chez E. coli , il 
reste à exprimer la sous-unité B, à reconstituer l'activité, et à réussir la surproduction de 
l'enzyme jusqu'à la résolution de la structure tri-dimensionnelle. 
	Nous espérons que cette enzyme pourra servir d'outil, non seulement pour l'étude du 
mode d'action des antibiotiques actifs sur les topo II, mais également pour celle du mode 
d'action de certaines drogues antitumorales. En effet, les résultats que nous avons obtenu 
avec les archaebactéries halophiles suggèrent que les Topo IIA de la sous-famille 
gyrase/Topo IV (dont fait partie celle de T. maritima ) sont sensibles à ces drogues.

Topologie de l'ADN chez les hyperthermophiles.

	En parallèle, nous allons entreprendre de déterminer comment les différentes ADN 
topoisomérases que nous avons mises en évidence chez les hyperthermophiles interviennent 
pour contrôler la topologie de l'ADN chez ces microorganismes. 
	Nous voulons comprendre le pourquoi des différentes formes topologiques observées 
dans le monde vivant, et le rôle que jouent les changements topologiques en fonction des 
modifications de l'environnement. 
	Ce travail est maintenant réalisable puisque nous disposons, en collaboration avec 
l'équipe de Michel Duguet, de la quasi totalité des ADN topoisomérases hyperthermophiles 
purifiées, de leurs gènes clonés, et de sondes topologiques (plasmides) pour deux modèles 
archaébactériens, Sulfolobus  et Pyrococcus , et un modèle bactérien, Thermotoga . 
	Ce programme est soutenu par une Action Thématique programmée du département 
des Sciences de la vie du CNRS et pris en charge actuellement par une boursière de la CE, 
Purificacion Lopez-Garcia.
	Nous étudierons également comment les histones d'archaebactéries interviennent dans 
le contrôle de la topologie de l'ADN en association avec les topoisomérases. Dave 
Musgrave, un chercheur Néo-Zélandais qui a montré en 1991 que l'ADN s'enroulait autour 
des histones archaebactériennes en formant un supertour positif. Ce chercheur, qui a 
récemment isolé les histones de l'archaebactérie hyperthermophile Pyrococcus, vient 
d'obtenir une poste rouge CNRS pour passer une année sabbatique dans notre laboratoire.
	Rappelons que les histones des archaebactéries sont de véritables homologues des 
histones eucaryotes, et que leur assemblage présente des analogies avec le tétramère H3H4. 
Ariel Prunell, à l'Institut Jacques Monod, vient précisément de montrer que le tétramère 
d'histones eucaryotes H3H4 peut enrouler l'ADN aussi bien positivement que négativement, 
tout comme les histones des archaebactéries ! 
	En associant les ADN topoisomérases, les histones, et le système de transcription in 
vitro développé par Michael Thomm, nous devrions pouvoir obtenir des informations 
permettant de reconstituer l'histoire de la chromatine et de son rôle dans l'expression de 
l'information génétique. 

Réparation, recombinaison et réplication de l'ADN

	L'exposition de l'ADN à très haute température provoque de nombreuses lésions de la 
molécule (dépurination, déamination des cytosines, coupures simple et double chaîne). 
L'étude de la réparation de l'ADN chez les hyperthermophiles est donc a priori un domaine 
de recherche particulièrement attirant. Curieusement, il est également pratiquement inexploré 
à l'heure actuelle. 
	La découverte dans notre laboratoire d'une protéine de Sulfolobus  homologue de la 
protéine Rad50 de levure, et d'une protéine de Pyrococcus  homologue de l'une des 
protéines induites au cours de la réponse SOS chez E. coli  nous incite à aborder ce problème 
dans les années qui viennent. 
	Il peut être intéressant de noter que chez la levure, Rad50 intervient juste après Spo11 
dans la recombinaison méiotique, il est donc possible que la protéine homologue de 
   Sulfolobus  étudiée par C. Elie dans notre laboratoire intéragisse avec la Topo VI de 
   Sulfolobus . Rad50 participe également au mécanisme de réparation des cassures double-
chaînes par recombinaison chez la levure. Un mécanisme homologue de 
recombinaison/réparation faisant intervenir la protéine apparentée à Rad50 de Sulfolobus  
pourrait donc exister chez les archaebactéries. 
	De premiers résultats obtenus par le laboratoire de Franck Robb aux USA, avec lequel 
nous collaborons, montrent en effet que les hyperthermophiles possèdent des mécanismes 
de réparation particulièrement efficaces pour les cassures double-chaînes, ce qui les rend en 
particulier radiorésistants. Nous venons d'obtenir un financement EDF pour étudier les 
mécanismes de radiorésistance chez les hyperthermophiles. 
	Une étudiante en thèse, Emmanuelle Gérard, a par ailleurs entrepris d'étudier l'effet 
des lésions de l'ADN sur l'expression de la protéine de Pyrococcus  apparentée à la protéine 
DinF de E. coli . Nous pensons developper ces travaux sur la réparation de l'ADN chez les 
hyperthermophiles en recherchant par analyse sur gel bidimentionnel toutes les protéines 
induites par des lésions au niveau de l'ADN, en particulier par des cassures double-chaines. 
Leurs gènes pourront être obtenus à partir du microséquençage de ces protéines, grâce au 
programme en cours de séquençage systématique des génomes de Sulfolobus solfataricus  et 
de Pyrococcus furiosus  (voir ci-dessous). L'exemple des résultats obtenus avec l'analyse de 
la topo VI de Sulfolobus  montre que d'autres protéines intervenant dans la recombinaison 
chez les eucaryotes pourraient être identifiées, et/ou leur rôle précisé, en étudiant les 
mécanismes de la réparation et de la recombinaison chez les hyperthermophiles.

Réplication de l'ADN

	Il devrait en être de même a priori pour la réplication. Dans ce cas, il faut rappeler que 
la réplicase des archaebactéries n'a toujours pas été identifiée. De plus, le séquençage 
complet du génome de l'archaebactérie méthanogène Methanococcus jannashii  n'a mis en 
évidence que très peu d'homologues des protéines eucaryotes ou bactériennes impliquées 
dans la réplication. 
	Il s'avère donc indispensable de mettre au point des systèmes de réplication in vitro 
pour avancer sur cette question. Nous comptons développer un tel système à partir du 
plasmide pGT5. Rappelons que nous avons déjà réussi à exprimer la protéine Rep de ce 
plasmide chez E. coli  sous forme active.

Génomique et post-génomique chez les archaebactéries.

	Nous venons d'obtenir avec M. Duguet un financement, dans le cadre du programme 
génome de la communauté européenne, pour nous associer au programme Canadien 
concernant Sulfolobus . Dans ce cadre, nous devrons séquencer 100 kb par an pendant trois 
ans. Trois laboratoires canadiens et trois laboratoires européens sont impliqués dans ce 
projet, et l'ensemble du génome de Sulfolobus  (3.4 Mb) devrait être terminé fin 1999. 
	Dès à présent, notre participation à ce projet va nous donner accès au 50% de génome 
déjà séquencé. De même, nous collaborons avec le groupe de Franck Robb au USA qui 
participe au séquençage de Pyrococcus . 
	Les données obtenues dans le cadre de ces programmes de séquençage nous 
permettront d'alimenter nos études phylogénétiques (voir chapitre suivant) et d'avoir accès à 
de nouveaux gènes impliqués dans les mécanismes qui nous intéressent plus 
particulièrement.

Mise au point d'outils génétiques

	L'étude des hyperthermophiles est actuellement limitée par l'absence d'outils 
génétiques. En particulier, nos travaux sur la topologie de l'ADN ou la 
réparation/recombinaison de l'ADN seraient grandement facilités par de tels outils, sans 
parler de l'analyse fonctionnelle des génomes.
	Dans notre laboratoire, Yvan Zivanovic a entrepris depuis quelques années de 
s'attaquer à ce problème. Il a installé une unité de culture des hyperthermophiles en 
anaérobiose, ce qui nous a permis de réaliser nos études topologiques sur les 
Thermococcales et les Thermotogales. 
	Il a également mis au point les méthodes de culture sur milieu solide permettant 
d'obtenir des colonies à 95°C et tester les conditions de transformation des Pyrococcus  avec 
le plasmide pGT5. Il essaye actuellement d'utiliser le gène purA isolé par A. Bouyoub chez 
   Pyrococcus  pour mettre au point un marqueur de résistance.
	Ce travail, qui s'avère très difficile, a été entrepris dans le cadre d'un projet Biotech de 
la CE "Biotechnology of extremophiles". Nous allons le poursuivre dans le cadre du projet 
suivant "Extremophiles as cell factory" en collaboration étroite avec les laboratoires de Roger 
Garrett au Danemark et de Daniel Prieur à Roscoff. Nous avons déjà montré que pGT5 
pouvait être également propagé chez Sulfolobus  [Aagard et al., 1996 (78)]. 
	Nous allons poursuivre avec Daniel Prieur, la recherche de marqueurs génétiques 
efficaces et la caractérisation de plusieurs nouveaux plasmides de Thermococcales qui ont été 
isolés dans notre laboratoire par Nadia Rollet.
	Certains de ces plasmides sont de plus grande taille que pGT5 et pourraient donc se 
répliquer selon un mode de réplication théta, ce qui pourrait être un avantage pour la stabilité 
des vecteurs, et ce qui pourrait nous fournir d'autres modèles pour étudier la réplication chez 
les hyperthermophiles.

Travaux personnels sur l'évolution des microorganismes

 

	L'application de l'analyse cladistique aux comparaisons de séquences protéiques m'a 
permis de montrer que les phylogénies moléculaires obtenues entre organismes très éloignés 
n'étaient pas crédibles. Ce résultat est encore loin d'être admis par la communauté des 
chercheurs travaillant dans ce domaine. 
	Cependant, Hervé Philippe et André Adoutte à l'Université d'Orsay sont arrivés à la 
même conclusion sur la base d'études qui ont mis en évidence la saturation des séquences 
protéiques entre espèces très éloignées. J'ai entamé une collaboration avec Hervé Philippe 
afin d'unir nos forces et être plus convaincants auprès de la communauté internationale.
		De ce point de vue, les choses devraient bouger avec la mise en évidence d'une 
grossière erreur d'interprétation dans la phylogénie des eucaryotes qui a été largement 
admise ces dernières années par la plupart des phylogénéticiens moléculaires. Le traitement 
classique des alignements de séquence des ARNr par les méthodes traditionnelles de 
construction d'arbre (distance et parcimonie) avait abouti à la conclusion selon laquelle les 
microsporidies étaient les eucaryotes les plus primitifs. De ce fait, l'absence de mitochondrie 
chez ces protistes était considérée comme un témoignage supplémentaire de leur ancienneté. 
La découverte récente de gènes d'origine mitochondriale chez les microsporidies montre 
toutefois que ces protistes ont en fait perdu leurs mitochondries. De plus, des phylogénies 
protéiques convainquantes et plusieurs caractères phénotypiques montrent que les 
microsporidies font partie des champignons. Ce rapprochement est confirmé par une analyse 
cladistique menée par Hervé Philippe sur les ARNr. 
	Je pense pour ma part essayer de vérifier la position des microsporidies en utilisant la 
méthode cladistique pour analyser les séquences protéiques. Nous envisageons d'autre part 
d'utiliser la méthode cladistique mise au point par Hervé Philippe pour analyser les 
séquences des ARNr pour tester la position des hyperthermophiles dans l'arbre du vivant. 
	La collaboration avec Hervé Phillipe devrait s'étendre au problème de LUCA. Hervé 
Phillipe est en effet maintenant très intéressé par les premières étapes de l'évolution du 
vivant. De plus, il a élaboré quelques hypothèses intéressantes qui pourraient permettre de 
tirer partie des arbres phylogénétiques obtenus par les méthodes de distance en permettant 
d'identifier les relations pertinentes au milieu du bruit de fond constitué par toutes celles qui 
ne sont basées que sur des artefacts méthodologiques. 
	Cependant, il semble de plus en plus clair que l'analyse comparative des génomes au 
niveau des séquences ne permettra pas, à elle seule, de résoudre les questions en débat. 
L'analyse des séquences doit se faire famille protéique par famille protéique, afin d'identifier 
les familles paralogues, les transferts de gène et les groupes monophylétiques. De plus, ces 
analyses au niveau des séquences ne sont vraiment utiles que pour compléter et orienter 
l'analyse globale des mécanismes moléculaires eux-mêmes (transcription, régulation de 
l'expression génétique, réplication, division cellulaire, etc), et celle-ci passe par la 
description biochimique complète du système (jusqu'à l'obtention des structures 
tridimensionnelles) et par son analyse génétique et fonctionnelle.
	Je pense travailler dans cette direction dans les années qui viennent en poursuivant en 
parallèle mes travaux plus théoriques sur l'évolution moléculaire et les travaux 
expérimentaux sur l'évolution des mécanismes de la réplication et de la 
réparation/recombinaison de l'ADN, ou encore sur les mécanismes qui contrôlent sa 
topologie. Je continuerai d'encourager des collègues travaillant sur ces mêmes systèmes ou 
d'autres à aborder les choses de ce point de vue évolutif. Mon ambition est d'aider à 
l'émergence d'une nouvelle discipline à part entière, l'étude de l'évolution des mécanismes 
moléculaires.
   
   





Révision le 24/02/97

 

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