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         Pour la
         première fois, des scientifiques venant d'horizons
         différents se sont réunis pour
         réfléchir sur la nature du dernier
         ancêtre commun à tous les êtres vivants
         actuels. La fondation des Treilles a permis l'organisation
         sur ce thème d'un colloque sortant du cadre habituel
         des conférences scientifiques. De nombreux
         participants ont présenté plusieurs
         communications, certaines d'entre elles improvisées.
         Très vite, l'atmosphère de convivialité
         propre aux Treilles a fait naître chez tous les
         membres de notre petit groupe (dont beaucoup ne
         s'étaient jamais rencontrés auparavant) le
         sentiment d'appartenir à une même
         communauté, à l'aube d'une nouvelle aventure
         scientifique. Dans un domaine (les premiers pas de la vie
         sur terre) où les confrontations d'idées (et
         parfois de personnalités) peuvent être vives,
         l'atmosphère lumineuse de la Provence permettait la
         discussion des hypothèses les plus contradictoires en
         toute sérénité.
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 L'objectif
         premier du colloque était de rassembler des
         chercheurs appartenant à des "tribus" scientifiques
         différentes. Chaque tribu a ses rites propres, en
         particulier ses grandes conférences organisées
         à intervalles réguliers, ses journaux de
         prédilection et ses grands ténors. Les membres
         de ces différents clans se mélangent rarement,
         et seuls quelques audacieux vont parfois jusqu'à se
         faire accepter dans deux ou trois tribus différentes.
         Aux Treilles, cinq d'entre elles au moins étaient
         représentées : celle des chercheurs
         passionés par le problème des origines de la
         vie, dont le grand
         meeting international, qui a lieu tous les trois ans,
         venait juste de se tenir à Orléans, celle des
         archaeo-microbiologistes, spécialistes du
         troisième groupe d'êtres vivants sur terre, les
         archaeabactéries ou archaées, celle des
         thermophilistes, qui étudient la vie microbienne
         à très haute température
         (jusqu'à 110°C), celle des évolutionistes
         moléculaires, qui essayent de retrouver la
         généalogie de tous les êtres vivants
         (l'arbre universel) en comparant les séquences de
         leurs macromolécules, et enfin celle des
         génomistes, une nouvelle tribu en formation, dont
         l'objectif est l'analyse exhaustive des génomes,
         rendue possible grâce aux grands programmes de
         séquençage systématique de l'ADN.
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 Quelques
         participants n'appartenaient à aucune des cinq tribus
         mentionnées, ils avaient été choisis en
         raison de leur compétence reconnue dans un domaine
         dont l'importance paraissait cruciale pour aborder le
         problème du dernier ancêtre universel. Certains
         étaient confrontés pour la première
         fois aux grandes questions posées par
         l'évolution du vivant, et ils ne furent pas les moins
         enthousiastes.
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 La
         plupart des chercheurs présents étaient
         des expérimentalistes, ils ont derrière eux
         une longue tradition de prudence, de rigueur, allant parfois
         jusqu'à la méfiance pour toute idée
         trop spéculative. En particulier, le
         réductionisme de la biologie moléculaire et la
         coupure qui s'est créée depuis cinquante ans
         entre les biochimistes "purs et durs" et les
         évolutionistes sont des obstacles majeurs dans un
         domaine où l'imagination joue un rôle
         déterminant. De ce point de vue,
         Christian de Duve a joué
         un rôle irremplaçable au cours de ces
         journées. Prix Nobel, doyen de notre colloque, et
         reconnu pour ses travaux de biologie cellulaire, il a fait
         preuve d'une imagination fertile, jouant un rôle
         particulièrement actif dans nos discussions. Nous
         espérons tous maintenant que le colloque des Treilles
         aura été l'acte fondateur d'une nouvelle
         thématique de recherche à part entière
         : à la recherche de LUCA
         (the Last Universal Common Ancestor).
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 LUCA
         a été baptisé aux Treilles, nous ne
         savons pas encore si ce nom s'imposera, il ne fait
         même pas l'unanimité entre nous. D'autres
         termes ont été proposés au cours des
         années : le
         nom progenote, avancé en 1977 par
         Carl Woese (le créateur
         du concept d'archaebactéries) a eu son heure de
         gloire, mais il semble sur le déclin. La notion de
         progénote est en effet associée à la
         conception d'un ancêtre particulièrement
         primitif, beaucoup plus simple que la plus simple des
         cellules actuelles, ce qui ne correspond plus à la
         pensée de nombreux spécialistes. La vision
         majoritaire aujourd'hui est plutôt celle d'un
         ancêtre commun ressemblant aux bactéries ou aux
         archaées, et pour quelque uns, celle d'une
         créature intermédiaire entre les procaryotes
         (cellules sans noyau) et les eucaryotes (cellules avec
         noyau).
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 Le
         terme cenancestor
         (de la racine grec cen, ensemble) proposé par
         Fitch en 1987, a la faveur
         des puristes. Pour d'autres, il présente
         l'inconvénient d'être incompréhensible
         au commun des mortels, et même au commun des
         biologistes. L'appellation "dernier ancêtre commun"
         (Last Common Ancestor) est de plus en plus utilisée
         dans la littérature.
         José Castresana, lors de
         notre colloque a fait remarquer qu'il est aussi trop vague.
         Le terme "dernier ancêtre commun" peut être
         utilisé (et il l'est en effet) pour tout groupe
         d'organismes.
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 LUCA est
         un compromis entre LCA et LUA (last universal ancestor)
         proposé à ce colloque par
         Christos Ouzounis. Il pourrait
         être médiatique, de
         LUCA à LUCY
         résumant la trajectoire de l'évolution du
         vivant. Il définit une entité sympathique,
         c'est lui qui a ensemencé notre planète, nous
         sommes tous ses descendants.
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 Pourquoi
         focaliser notre attention sur ce personnage clef de notre
         histoire ? Pourquoi un colloque sur ce thème
         aujourd'hui ? Pendant longtemps la recherche sur les
         origines de la vie s'est uniquement consacrée
         à comprendre comment étaient apparues les
         premières molécules du vivant sur notre
         planète. Une fois celles-ci présentes, la
         suite allait de soi. Il n'y avait pas de place pour
         LUCA dans ces recherches. De
         leur côté, les biologistes cellulaires et
         moléculaires (à de très rares
         exceptions) n'allaient pas perdre leur temps (très
         précieux) à spéculer sur un
         ancêtre insaisissable, alors que s'offrait à
         eux l'inépuisable richesse de modèles
         d'études, bien réels ceux-là (en
         protéines et en acides nucléiques).
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 La
         situation a bien changé aujourd'hui,
         précisément grâce aux progrès de
         la biologie moléculaire. On s'est aperçu, en
         comparant les molécules du vivant chez tous les
         organismes (des bactéries à l'homme) qu'elles
         présentaient des points communs, mémoire
         fossilisée de leur lointain ancêtre. Ce sont
         ces recherches qui ont conduit à découvrir la
         présence sur terre d'un groupe de procaryotes, les
         archaées, aussi éloignés des
         bactéries que des eucaryotes.
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 En
         comparant les mécanismes fondamentaux du
         vivant dans les trois domaines (bactéries,
         archaées et eucaryotes) il devenait alors possible de
         définir "le plus petit dénominateur commun aux
         trois" : LUCA.
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 Il
         restait à faire le lien entre les biologistes
         amoureux de l'évolution, qui se rapprochent ainsi des
         origines premières en remontant dans le passé,
         et les pionniers des recherches sur les origines de la vie,
         qui essaient depuis l'expérience
         fondatrice de Stanley
         Miller en 1953 de partir du point 0 (soupe primitive
         ou aurore de pierre) pour avancer vers le présent. Le
         temps était venu de rassembler les tribus.
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 Quelques questions débattues aux
         Treilles
         
          
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 Est-il possible de dresser un
         portrait-robot de
         LUCA
         ?
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 La comparaison des
         gènes présents dans les trois domaines du
         vivant est l'une des approches privilégiées
         pour accéder à la connaissance de
         LUCA. Ceci nécessite au
         préalable l'inventaire complet des gènes
         présents dans chaque domaine. Ce travail devrait
         bénéficier du grand nombre de génomes
         qui vont être complètement
         séquencés dans les années à
         venir. Un certain nombre d'entre eux sont déjà
         terminés. Le colloque des Treilles se tenait en fait
         à peine trois mois après la publication de la
         séquence complète du génome de la
         levure de boulangerie, Saccharomyces
         cerevisiae , et un mois avant la publication dans
         Science du premier
         génome d'une archaée, Methanococcus
         jannaschii . Odile
         Ozier-Kalogeropoulos a donc présenté
         les résultats obtenus avec l'analyse complète
         de S. cerevisiae , tandis que
         Nikos Kyrpides nous donnait en
         avant première un aperçu de ceux obtenus en
         analysant le génome de M. jannaschii .
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 Christos
         Ouzounis et
         Nikos Kyrpides ont
         présenté un premier travail comparatif
         préliminaire entre les génomes des organismes
         appartenant aux trois domaines. Ce travail devrait
         déboucher sur l'inventaire des protéines
         communes aux trois domaines, c'est à dire
         présentant des similarités de séquence
         telles que l'on peut raisonnablement supposer qu'elles
         dérivent toutes d'un même ancêtre commun
         (en terme technique, ces protéines sont dites
         homologues). Ces protéines homologues ont de fortes
         chances d'avoir été présents chez
         LUCA. J.
         Brown a proposé l'établissement sur
         Internet d'un serveur pour faciliter et coordonner ce
         travail de génomique comparative, et établir
         ainsi la liste de ces protéines.
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      | 
 D'ores
         et déjà, les premier résultats
         suggèrent un degré de complexité
         inattendu chez LUCA. Celui-ci
         aurait sans doute déjà possédé
         plusieurs milliers de gènes (donc de protéines
         différentes). Il semble que tous les grands
         systèmes qui permettent le maintien et l'expression
         du matériel génétique étaient
         déjà présents, ainsi que de nombreuses
         capacités métaboliques.
         José Castresana
         apportait de solides arguments pour avancer l'idée
         iconoclaste selon laquelle les mécanismes
         moléculaires de la respiration de l'oxygène
         étaient déjà présents chez
         LUCA, en dépit d'un
         environnement en apparence dépourvu d'oxygène
         ! L'oxygène était-il déjà
         present sur notre planète dans des niches
         localisées, ou bien les mécanismes de la
         respiration oxydative avaient-ils une autre fonction
         à l'époque de
         LUCA ?
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 Une
         question plus générale reste
         posée : la présence d'un même
         gène dans les trois domaines à l'heure
         actuelle est-elle toujours synonyme de sa présence
         chez LUCA ? Quid des transferts
         de gènes qui ont pu répandre dans l'ensemble
         du monde vivant une invention apparue plus tardivement dans
         l'un des trois domaines ? En particulier,
         Jim Brown et
         Hervé Philippe ont
         montré que de nombreuses phylogénies
         protéiques suggèrent le transfert d'un
         très grand nombre de gènes impliqués
         dans le métabolisme des bactéries vers les
         eucaryotes, sans doute par l'intermédiaire des
         mitochondries, organites cellulaires qui ont
         évolués dans les cellules eucaryotes à
         partir d'anciennes bactéries endosymbiotiques.
 |  Communion autour de LUCA
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 Comprendre
         l'origine et l'évolution des génomes actuels
         en vue de remonter dans le temps, nécessite
         également de comprendre les mécanismes de leur
         évolution récente. L'analyse comparée
         de génomes d'organismes proches sur le plan
         évolutif est très instructive de ce point de
         vue. Odile Ozier-Kalogeropoulos
         a ainsi comparé une partie du génome de la
         levure Kluyveromyces lactis  avec celui de S.
         cerevisiae , tandis que
         Renaud de Rosa a comparé
         le génome de deux bactéries, le colibacille
         Escherichia coli , dont plus de 60% de la
         séquence est connue, et le pathogène
         Haemophilus influenzae , dont la séquence
         a été complètement
         déterminée l'année dernière. Ces
         travaux mettent en évidence des différences
         très importantes dans les vitesses d'évolution
         d'un gène à l'autre (donc d'une
         protéine à l'autre), des
         phénomènes de pertes rapides (au regard de
         l'évolution) et massives de certains gènes, et
         enfin un grand nombre de protéines dites paralogues,
         c'est à dire ayant divergé par duplication
         à partir d'un gène ancestral commun.
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 L'évolution
         rapide de la séquence de certaines protéines
         rend difficile la mise en évidence de leur relation
         de parenté d'un domaine à l'autre. Ceci
         pourrait en partie expliquer la présence dans les
         génomes complètement séquencés
         de nombreux gènes codant pour des protéines
         qui n'ont pas d'homologues détectables dans les deux
         autres domaines. Dans certains cas, il est possible de
         mettre en évidence des ressemblances d'un domaine
         à l'autre au niveau de la structure des
         protéines en trois dimension.
         Chris Sanders a ainsi
         présenté un travail d'analyse structurale qui
         annonce la mise en place d'une stratégie
         systématique visant à identifier le plus grand
         nombre de gènes et de fonctions possibles dans les
         génomes entièrement séquencés.
         Le nombre de gènes ayant des homologues dans les
         trois domaines (donc susceptibles d'être
         déjà présents chez
         LUCA) devrait ainsi augmenter
         dans les années à venir.
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 Quelle racine pour l'arbre universel
         ?
 
 
 Que
         faire des gènes qui ne sont présents que dans
         deux domaines ? Etaient-ils déjà
         présents chez LUCA et
         dans ce cas, ont-ils été perdus par la suite
         dans l'un des trois domaines, ou bien sont-ils apparus dans
         une branche commune à deux domaines ? Le
         problème est complexe ; en effet certains
         gènes ne sont présents que chez les
         bactéries et les archaebactéries, d'autres
         chez les archaebactéries et les eucaryotes, d'autre
         encore chez les bactéries et les eucaryotes.
 |  S. Miller & C. de Duve
 | 
   
      | 
 Si
         l'on met de côté le problème de
         l'échantillonnage, il serait a priori plus facile de
         répondre à la question posée si l'on
         connaissait l'emplacement de la racine de l'arbre universel
         qui relie les trois domaines entre eux. Il s'agit là
         d'une question très controversée. De nombreux
         auteurs situent actuellement cette racine dans la branche
         des bactéries (les eucaryotes et les
         archaebactéries étant dans ce cas des groupes
         frères). Jim Brown a
         présenté des résultats allant dans ce
         sens, basés sur des arbres universels fondés
         sur des protéines ayant divergé à
         partir d'une duplication avant la séparation des
         trois domaines.
 |  La position de LUCA et des Hyperthermophiles
 | 
 Ce résultat pourrait expliquer la présence de
         nombreux caractères de type "eucaryotes" chez les
         archaées, ainsi que les phylogénies
         protéines qui associent archaées et
         eucaryotes. Il existe toutefois d'autres phylogénies
         qui associent archaées et bactéries.
         Jim Brown les interprète
         en terme de transfert de gènes d'un domaine à
         l'autre.
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      |  
 | 
 La
         validité de ces résultats est toutefois
         contestée par Patrick
         Forterre et Hervé
         Philippe, à partir d'études sur la
         variabilité d'évolution des différentes
         positions d'acides aminés d'une même
         protéine. Selon eux, il ne reste plus d'information
         exploitable permettant d'enraciner des arbres fondés
         sur des séquences ayant divergé depuis si
         longtemps. Pour Hervé
         Philippe, les arbres aberrants entre protéines
         des trois domaines (par exemple ceux qui ne permettent pas
         de retrouver la division en trois du monde vivant) sont la
         norme, et ce sont les arbres "cohérents" qui
         demandent à être expliqués. Il
         suggère que l'apparition de groupes
         "monophylétiques" dans un arbre moléculaire
         traduit un changement important dans la structure/fonction
         de la molécule étudiée.
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      | 
 Il est
         important de noter que la position de la racine de
         l'arbre universel dans la branche des bactéries
         favorise l'idée selon laquelle
         LUCA ressemblait aux
         procaryotes actuels. Néammoins, tant que la position
         de la racine ne sera pas connu avec certitude, cette
         question reste ouverte. En particulier, si la racine se
         situe dans la branche des eucaryotes,
         LUCA pourrait tout aussi bien
         ressembler à une cellule de ce type !
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      | 
 
 
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 La transition eucaryote/procaryote (ou
         vice-versa ?)
 
 
 Pour
         Christian de Duve,
         LUCA ressemblait beaucoup
         à une bactérie (ou une archaée)
         actuelle. Il présente un scenario astucieux qui
         envisage la transition des procaryotes vers les eucaryotes
         dans un milieu quasi-solide avec perte de la paroi
         bactérienne suivie de l'expansion de la membrane
         cytoplasmique pour permettre la phagocytose. Cette expansion
         aboutissant à la formation des réseaux
         membranaires intracellulaires caractéristiques des
         cellules eucaryotes.
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      |  G. Ourisson & N. Glansdorff
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 D'autres
         participants sont au contraire en faveur d'un
         LUCA dont le génome
         était plutôt de type eucaryote. Pour
         Nicolas Glansdorff, les
         opérons sont apparus tardivement, peut-être
         dans une lignée commune aux archaées et aux
         bactéries. Pour Rudiger
         Cerff, le génome de
         LUCA était
         fragmenté en de nombreux chromosomes dont les
         gènes contenaient des introns.
         Patrick Forterre pense que
         LUCA n'était ni un
         procaryote, ni un eucaryote, mais un organisme de type
         intermédiaire, dont les descendants ont opté
         pour des stratégies adaptatives opposées :
         l'adaptation vers la miniaturisation et la rapidité
         maximale de réplication ayant conduit aux
         procaryotes, celle visant à se nourrir d'autres
         organismes par prédation ayant donné naissance
         aux eucaryotes.
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 Pour
         plusieurs participants, LUCA
         n'était pas un organisme, mais une collection
         d'organismes divers échangeant leurs gènes
         plus ou moins sans contrainte. On retrouve à ce
         propos un débat du même type que celui qui
         touche au problème de l'Eve Africaine. Sans doute
         aurait-il fallut associer à nos reflexions un
         généticien des populations. Nous avons
         regretté l'absence de Miroslav
         Radman, empéché à la
         dernière minute de participer à notre
         colloque. Son laboratoire étudie les
         mécanismes de spéciation au niveau
         moléculaire, et il semble que certains d'entre eux
         soient commun aux bactéries et aux eucaryotes, est-ce
         à dire que les notions d'espèce et de
         barrière d'espèce existaient
         déjà à l'époque de
         LUCA ?
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 Une
         autre question essentielle reste posée, quelle
         invention décisive, apparue avec
         LUCA, lui a donné une
         prédominance telle sur ses compétiteurs de
         l'époque que seuls ses descendants peuplent
         aujourd'hui notre planète ?
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 LUCA
         était-il un hyperthermophile ?
 
 
 Certains
         auteurs pensent que la vie est apparue à très
         haute température et que
         LUCA lui-même
         était un hyperthermophile (organisme vivant entre 80
         et 110°C). Toutefois, Stanley
         Miller et Antonio
         Lazcano nous ont mis en garde contre le danger
         d'extrapoler les conditions de vie supposées de
         LUCA à celle des
         origines. Nous avons vu en effet que
         LUCA était
         déjà un organisme très
         sophistiqué, son apparition a donc été
         précédée par une longue période
         d'évolution. Stanley
         Miller insiste également sur
         l'instabilité de nombreux composés
         prébiotiques à très haute
         température. Stanley
         Miller et Patrick
         Forterre mettent l'accent sur la contradiction qui
         existe entre l'idée d'une évolution
         primordiale qui se serait entièrement produite
         à haute température (de l'origine à
         LUCA) et l'hypothèse du
         monde à ARN, compte-tenu de l'instabilité de
         cette molécule aux températures voisines du
         point d'ébullition de l'eau.
         Piero Cammarano présente
         toutefois de nouvelles données sur l'évolution
         des facteurs d'élongation (qui interviennent dans la
         synthèse des protéines) en faveur de
         l'ancienneté des bactéries hyperthermophiles.
         Là encore, la fiabilité des analyses de
         phylogénie moléculaire est au centre du
         débat. Patrick Forterre
         fait remarquer que les résultats obtenus avec les ARN
         ribosomaux, qui sont généralement
         interprêtés en faveur de l'ancienneté
         des hyperthermophiles (leurs branches se signalent par une
         longueur réduite), pourraient être
         entachés d'erreur, étant donné leur
         teneur plus élevée en résidus GC, ce
         qui doit avoir pour effet de réduire artificiellement
         leur vitesse d'évolution.
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 Nicolas
         Glansdorff pense que la
         formation des opérons a pu se produire en
         réponse à l'adaptation des procaryotes aux
         conditions thermophiles, tandis que
         Purificacion Lopez-Garcia
         présente un nouveau scénario qui envisage un
         ancêtre thermophile modéré pour les
         bactéries et les archaées. Ce scénario
         est basé sur l'étude des enzymes qui
         introduisent des superhélices dans la molécule
         d'ADN (gyrase et réverse gyrase) et sur
         l'hypothèse d'une géométrie
         précise de cette molécule nécessaire
         à son fonctionnement. Cette géométrie
         aurait été initialement adaptée
         à des températures aux alentours de 50
         à 70°C ; la gyrase et la réverse gyrase
         seraient ensuite apparues pour permettre l'adaptation des
         organismes à des températures respectivement
         plus basses et plus hautes. En effet, l'action de ces
         enzymes permet de contrecarrer l'effet des changements de
         température sur la double hélice d'ADN
         (ouverture à haute température, compression
         à basse température).
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 Que
         les hyperthermophiles soient ou non plus proches de
         LUCA, leur étude est un
         domaine de recherche particulièrement fascinant.
         Franck Robb a
         présenté des expériences qui mettent en
         évidence les mécanismes permettant aux
         protéines des archaées hyperthermophiles de
         fonctionner à des températures voisines du
         point d'ébullition de l'eau. L'une des
         stratégies utilisées est la formation de
         réseaux d'interactions ioniques à la surface
         de la protéine. Il a d'autre part
         présenté les premiers résultats
         montrant que les archaebactéries hyperthermophiles
         sont particulièrement résistantes aux
         radiations ionisantes. Ces organismes doivent
         posséder des mécanismes de réparation
         de l'ADN extêmement performants.
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 L'âge de
         LUCA.
 
 
 Quelques
         mois avant la tenue de notre colloque, un article
         publié dans la revue américaine Science avait
         rajeuni LUCA. Il aurait
         vécu il y a deux milliards d'années, et non
         3,5 ou 4 comme on le pensait précédemment
         d'après l'examen des microfossiles trouvés
         dans les quelques roches sédimentaires de cette
         époque encore détectables.
         Hervé Philippe a soumis
         les données de ce travail à une analyse
         critique approfondie d'où il ressort que le chiffre
         avancé de 2 milliards d'années repose sur des
         données de très mauvaise qualité. Les
         arbres phylogénétiques de protéines
         utilisés donnaient pour la plupart des
         résultats aberrants et la calibration de l'horloge
         moléculaire est elle-même en question.
 |  M. Fontecave & O. Ozier-Kalogeropoulos
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 Peut-on remonter dans le temps,
         au-delà de l'époque où vivait
         LUCA
         ?
 
 
 La
         complexité de
         LUCA suggère qu'une
         longue période (tout au moins en terme de changements
         évolutif) a précédé son
         émergence. Les premiers pas de la vie sur notre
         planète ont été l'apparition et
         l'assemblage des constituants moléculaires de la vie
         jusqu'à l'apparition des premières cellules.
         Le génome de ces premières cellules
         était sans doute constitué par des
         molécules d'ARN et non pas d'ADN. Contrairement
         à l'ADN, l'ARN peut en effet jouer à la fois
         le rôle d'enzyme et de matériel
         génétique. Stanley
         Miller et Christian de
         Duve pensent que l'apparition de l'ARN a
         été elle-même un événement
         tardif, en effet, cette molécule ne semble pas
         pouvoir être synthétiser par les
         méthodes simples de la chimie prébiotique.
         L'ARN aurait donc été
         précédé par des molécules dont
         nous ne connaitrons sans ddoute jamais la nature exacte.
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 Des
         premières cellules à ARN jusqu'à
         LUCA, le chemin a dû
         être encore très long, toujours en terme de
         changements évolutifs. Patrick
         Forterre suggère de diviser cette
         évolution en plusieurs périodes : les deux
         âges du monde à ARN (avant et après
         l'invention par l'ARN du système actuel de
         synthèse des protéines) et le premier
         âge du monde à ADN (de la première
         cellule à ADN jusqu'à l'émergence de
         LUCA). Comment obtenir des
         informations sur ces différentes étapes ?
         Selon lui ; les virus à ARN et certains virus
         à ADN pourraient être des descendants
         d'organismes cellulaires ayant vécu avant
         LUCA. Ils n'auraient
         survécu à la domination de ce dernier qu'en
         parasitant ses descendants. L'étude de la biologie
         moléculaire des virus pourrait donc apporter des
         informations sur les étapes de l'évolution
         antérieure à
         LUCA.
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 Un
         événement essentiel de toute cette
         évolution a été l'invention de l'ADN.
         Aujourd'hui, la synthèse de l'ADN dépend d'une
         enzyme clef, la ribonucléotide réductase
         (RNR), qui fabrique les précurseurs de cette
         molécule à partir des précurseurs de
         l'ARN (réduction par élimination d'un
         oxygène du ribose de l'ARN pour donner du
         déoxyribose). Marc
         Fontecave a fait le point de nos connaissances sur
         les trois classes de RNR connues à ce jour et sur
         leur distribution dans le monde vivant. Il a
         présenté la caractérisation par son
         équipe de la première RNR
         d'archaebactérie, en collaboration avec
         Franck Robb. Ce travail permet
         pour la première fois de montrer que les trois
         classes de RNR dérivent d'une même enzyme
         ancestrale. Marc Fontecave et
         Franck Robb ont profité
         de leur présence commune aux Treilles pour
         rédiger un article rapportant cette
         découverte. L'existence d'une RNR homologue dans les
         trois domaines du vivant conforte l'idée selon
         laquelle le génome de
         LUCA était
         déjà constitué d'ADN.
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 Pour
         établir les portraits robots des
         prédecesseurs de LUCA,
         Antonio Lazcano propose
         d'utiliser les protéines paralogues dont l'origine
         (par duplication de gènes) est antérieure
         à celle de LUCA.
         Arturo Becerro a
         présenté un exemple de mise en oeuvre de cette
         stratégie dans l'étude de l'évolution
         des gènes impliqués dans certaines voies
         métaboliques. Un autre exemple d'analyse comparative
         des voies métaboliques dans les trois domaines a
         été présenté par
         Nicolas Glansdorff. Là
         encore, le problème est de distinguer duplications
         ayant eu lieu avant ou après
         LUCA, seules les
         premières pouvant permettre de reconstituer
         l'histoire des gènes antérieur à
         LUCA.
         Bernard Labedan et
         Renaud de Rosa ont
         montré en effet que les duplications récentes
         sont nombreuses chez les bactéries et
         Odile Ozier-Kalogeropoulos a
         rapporté des résultats du même ordre
         chez la levure.
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      |  P. Lopez Garcia, B. Labedan & R. deRosa
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 Bernard
         Labedan a résumé
         des travaux faits en collaboration avec
         Monica Riley sur les
         familles de protéines chez E. coli 
         qui suggèrent que beaucoup de protéines
         ancestrales étaient déjà formées
         de grands modules dont la taille et la fonction
         étaient proches de celles des protéines
         actuelles. Pour retrouver les homologies les plus anciennes,
         il faudra sans doute en venir à une analyse des
         protéines en terme modulaire et à des analyses
         structurales du type de celles proposées par
         Chris Sander. Le
         problème sera alors de distinguer entre homologie
         (structure commune héritée d'un ancêtre
         commun) et analogie (structure commune acquise par
         évolution convergente). En fait, tout le monde est
         tombé d'accord sur la nécessité de
         combiner les études génomiques (comparaison de
         séquences) et les données structurales qui
         peuvent être plus informatives au niveau des
         fonctions, afin d'analyser l'évolution de ces
         dernières, qui sont les véritables cibles de
         la sélection naturelle.
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 Finalement
         la question se pose : est-il possible d'extrapoler du
         métabolisme actuel vers le métabolisme
         ancestral ? Guy Ourisson a
         présenté une tentative de ce genre dans le cas
         des membranes cellulaires qu'il considère comme ayant
         dû se former très tôt, peut-être
         avant tout autre processus. Il a montré comment la
         très grande variété des amphiphiles
         membranaires actuels, souvent découverts à
         partir de leurs "fossiles moléculaires" isolés
         de sédiments, forme une série
         évolutive. Par une analyse rétrograde, il en
         déduit que les premières membranes ont pu
         être formées par des phosphates de
         polyprényle, qu'il a obtenus par des réactions
         abiotiques - et donc peut-être prébiotiques.
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 De son
         côté, Christian de
         Duve remonte du métabolisme actuel jusqu'au
         proto-métabolisme qui a précédé
         le monde à ARN (le monde à thioesters qu'il a
         popularisé dans son ouvrage Construire
         une cellule). Il s'élève contre
         l'idée absolutiste d'un monde à ARN
         omnipotent. Selon lui, toutes les enzymes actuelles n'ont
         pas été précédées par le
         ribozyme correspondant, et il faut imaginer un monde de
         catalyseurs peptidiques efficaces et très tôt
         diversifiés. Stanley
         Miller, qui avait fait le point sur l'état
         actuel de la recherche dans le domaine des origines de la
         vie dans sa conférence introductive, propose en
         conclusion un véritable programme de recherche
         expérimental pour relier la chimie prébiotique
         au métabolisme contemporain et avance plusieurs
         pistes nouvelles.
 |  P. Cammarano, P. Lopez Garcia, A. Lazecano & A. Becerra
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      | 
 En
         conclusion, Christian de
         Duve a souligné la qualité et
         l'intensité des discussions. En apparence, chacun
         avait gardé son point de vue sur les questions
         chaudement débattues, mais il était
         évident que les arguments apportés par les uns
         et les autres allaient nourrir dans les mois à venir
         de nombreuses reflexions, remises en questions, ou
         approfondissement des diverses hypothèses. La plupart
         d'entre nous vont se retrouver pour la rédaction
         d'une série d'articles à paraître dans
         un numéro spécial consacré à
         notre colloque par la revue internationale "Journal of
         Molecular Evolution". De l'avis de plusieurs participants,
         il s'agissait de l'une des meilleurs réunions
         scientifiques à laquelle ils avaient eu l'occasion de
         participer (le cadre des Treilles étant pour beaucoup
         dans cette appréciation), et nous espèrons
         tous renouveller cette expérience dans les
         années à venir.
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          Plusieurs articles issus de ces rencontres passionnantes
         ( ainsi que de nouvelles collaborations engagées aux
         Treilles ) ont étés publiés dans un
         numéro spécial de la revue "Journal of
         Molecular Evolution" Vol 49, Oct 1999.
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